Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/174

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soient bien différents. Au lieu d’un appartement gothique et sombre dans un monastère, un des plus beaux paysages d’Écosse se déroule au bas de la montagne de Kinnoul ; et au pied d’un roc qui domine la campagne, est assise la Jolie Fille de Perth, écoutant dans l’attitude du recueillement les instructions d’un moine chartreux, revêtu de sa robe blanche et de son scapulaire : celui-ci termine son discours par une prière à laquelle sa prosélyte se joint ardemment.

Quand ils eurent fini leurs dévotions, le religieux resta quelque temps assis, les yeux fixés sur le magnifique paysage, dont la saison avancée et déjà froide ne pouvait altérer la beauté, et il se passa plusieurs minutes avant qu’il s’adressât à son attentive pénitente.

« Quand je vois, dit-il enfin, ce pays riche et varié, avec ses châteaux, ses églises, ses couvents et ses places fortes, ces plaines fertiles, ces bois si vastes et cette noble rivière, je ne sais, ma fille, s’il faut plus s’étonner de la bonté de Dieu que de l’ingratitude de l’homme. Il nous a donné une terre belle et fertile, et du théâtre de sa bonté nous avons fait un charnier et un champ de bataille. Il nous a donné le pouvoir sur les éléments, et l’adresse de construire des maisons pour notre commodité et notre défense, et nous les avons changées en des repaires de voleurs et des lieux de débauche. — Néanmoins, mon père, il existe à coup sûr des lieux où règne le bonheur, répliqua Catherine, et même dans la contrée que nous contemplons d’ici. Ces quatre pieux couvents avec leurs églises et leurs tours qui disent aux citoyens, avec leurs voix de bronze, de songer aux devoirs religieux ; ces quatre couvents dont les habitants ont quitté le monde, et renoncé à ses occupations et à ses plaisirs, pour se consacrer au service du ciel, doivent connaître la paix, et porter témoignage que si l’Écosse est une terre de sang et de péchés, elle est encore vivante et n’a point oublié entièrement les devoirs que la religion impose à la race humaine. — Ce que vous dites là, ma fille a quelque apparence de vérité ; et pourtant, vus de près, beaucoup de ces motifs de bonheur dont vous parlez paraîtront illusoires. Sans doute, il fut un temps dans le monde chrétien où d’excellents hommes, se soutenant par le travail de leurs mains, se réunissaient en congrégation, non pour vivre à leur aise, ou dormir tranquilles, mais pour se fortifier les uns les autres dans la foi chrétienne, et s’instruire à prêcher la parole divine aux hommes.