Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/182

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cette fente se projetait un chêne, par un de ces bizarres caprices que la végétation présente souvent en de pareils endroits. L’arbre rabougri et mal venu avait envoyé ses racines sur la surface du roc dans toutes les directions pour chercher sa nourriture, et ces racines s’étendaient comme des lignes militaires de communication : elles étaient tortillées, tressées, nouées comme les immenses serpents de l’archipel indien. Les regards de Catherine tombant par hasard sur cette curieuse complication de branches et de racines, elle s’aperçut tout à coup que deux grands yeux brillaient au milieu de l’ouverture, fixés tout étincelants sur elle, comme ceux d’une bête sauvage en embuscade… Elle se leva, et, sans parler, montra l’objet à son compagnon ; puis regardant elle-même avec plus d’attention, elle découvrit les cheveux rouges et mêlés ainsi que la barbe épaisse, qui jusque-là avaient été cachés par les branches pendantes et les racines entortillées de l’arbre.

Quand il se vit découvert, le montagnard sortit de sa cachette, et montra un corps colossal, vêtu d’un plaid violet, rouge et gris pâle, sous lequel on voyait une jaquette de cuir de taureau. Son arc et ses flèches étaient sur son dos, sa tête était nue, et une forêt de boucles mêlées comme les tresses d’un Irlandais lui couvrait la tête, et tenait parfaitement lieu d’un bonnet. À sa ceinture pendait un sabre et un poignard ; à la main il tenait une hache d’armes danoise. Par la même porte grossière sortirent encore, un à un, quatre hommes de taille pareille, habillés et armés de la même manière.

Catherine était trop habituée à voir de près dans Perth des habitants de la montagne pour s’abandonner à la frayeur qu’une autre fille des basses terres eût éprouvée à cet aspect. Elle vit avec assez de sang-froid ces hommes gigantesques se former en demi-cercle autour du moine et d’elle-même ; ils fixaient sur eux en silence leurs larges yeux immobiles, et semblaient éprouver une espèce d’admiration sauvage pour la beauté de la jeune fille. Elle les salua en inclinant la tête, et prononça en balbutiant la phrase ordinaire dont se servent les montagnards pour souhaiter la bienvenue. Le plus vieux, chef de la bande, lui rendit son salut, et ils restèrent de nouveau en silence et immobiles. Le moine disait son rosaire ; Catherine même commençait à ressentir d’étranges craintes pour sa sûreté personnelle, et surtout une vive inquiétude de savoir s’ils devaient se regarder comme personnellement libres ; elle résolut de s’en assurer et s’avança