Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/197

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pour épuiser les forces vitales de votre chirurgien, repartit Dwining ; mais qui donc, » ajouta-t-il d’un ton partie insinuant, partie moqueur, « qui donc pourrait calmer la douleur vive et poignante que souffre à présent mon patron, et qui l’exaspère contre son pauvre serviteur, parce qu’il énonce les règles de la médecine, si méprisables sans doute comparées à l’art d’appliquer des blessures. »

Alors, comme s’il n’eût pas osé plaisanter plus long-temps avec son dangereux malade, l’apothicaire se mit sérieusement à panser la blessure, et l’arrosa d’un baume odoriférant, dont le parfum se répandit dans tout l’appartement, tandis qu’il communiquait une agréable fraîcheur, au lieu d’une chaleur brûlante. Le changement fut si doux pour le patient dévoré par la fièvre, qu’après avoir, une minute auparavant, gémi de souffrance, il ne put alors réprimer un soupir de satisfaction, en se laissant retomber sur son lit pour jouir du repos occasionné par le pansement.

« Votre Seigneurie connaît maintenant qui est son ami, continua Dwining ; si, cédant à un accès de colère, vous eussiez dit : « Tuez-moi cet indigne charlatan, » où auriez-vous trouvé, entre les quatre mers de la Grande-Bretagne, un homme capable de vous procurer un tel soulagement ? — Oublie mes menaces, bon médecin, dit Ramorny ; et tâche de ne plus me fâcher. Un homme tel que moi peut souffrir qu’on le plaisante sur ses maux. Garde tes quolibets pour les lancer aux misérables de l’hôpital. »

Dwining n’osa plus rien dire ; il versa quelques gouttes d’une fiole qu’il tira de sa poche, dans une petite coupe de vin mélangé d’eau.

« Cette boisson, dit-il, est préparée de façon à produire un sommeil que rien ne peut troubler. — Combien de temps durera-t-il ? demanda le chevalier. — La durée de son opération est incertaine… peut-être jusqu’au matin. — Peut-être toujours, dit le patient : sire médecin, goûtez sur-le-champ ce breuvage, autrement il ne mouillera point mes lèvres.

L’apothicaire obéit avec un sourire dédaigneux : « Je boirais tout très-volontiers ; mais le jus de cette gomme indienne endort l’homme bien portant tout comme le malade, et l’exercice de mon art exige que je reste éveillé. — Je vous demande pardon, sire médecin, » dit Ramorny les yeux baissés, comme honteux d’avoir manifesté un tel soupçon. — Il n’y a point de pardon à donner quand il n’y a point d’offense reçue, répondit le médecin ;