Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/206

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sin, dit le bonnetier, et je vous souhaite un sommeil paisible ; nous nous retrouverons meilleurs amis demain matin. — Sors de chez moi à l’instant ! je suis honteux qu’une langue aussi stupide que la tienne ait le pouvoir de me fâcher ainsi.

« Idiot… bête… langue de vipère ! » s’écria-t-il en rejetant une chaise, tandis que le bonnetier décampait ; « dire qu’un drôle, qui n’ouvre la bouche que pour mentir, n’a pas eu l’esprit de forger un mensonge, quand il pouvait voiler ainsi la honte d’un ami ! Et moi, qui suis-je donc, pour souhaiter au fond de mon cœur qu’on enlumine de belles paroles l’insulte grossière faite à moi et à ma fille ? Pourtant, telle était mon opinion sur Henri, que j’aurais gobé avec joie les plus énormes menteries que cet âne rodomont eût inventées. Bien ! il n’y faut donc plus songer ; notre nom honnête nous demeurera du moins, dût tout le reste nous manquer ! »

Pendant que le gantier moralisait ainsi sur la malheureuse confirmation de l’aventure qu’il souhaitait trouver fausse, le danseur mauresque expulsé avait le loisir, à l’air rafraîchissant d’une nuit froide et noire de février, de songer aux conséquences de la terrible colère du gantier.

« Mais ce n’est rien, pensait-il, en comparaison de la fureur d’Henri Wynd, qui a tué un homme pour quelque chose de beaucoup moindre que de le brouiller avec Catherine et le père de Catherine. Certainement j’eusse mieux fait de tout nier ; mais l’envie de paraître un galant qui s’y connaît, et c’est mon fait, à moi, m’a entraîné trop loin. N’aurais-je pas mieux fait d’aller au Griffon achever nos réjouissances ; mais Madeleine tempêtera à mon retour. Cependant, comme c’est jour de fête, je puis réclamer un privilège… J’y suis, je n’irai point au Griffon… Je cours de ce pas chez l’armurier, qui doit être chez lui, puisque personne ne l’a vu d’aujourd’hui aux réjouissances. Je tâcherai de faire la paix avec lui, et lui offrirai mon intercession auprès du gantier. Henri est un simple et franc garçon, et quoiqu’il puisse se tirer mieux que moi d’une bagarre, je puis, par mon éloquence, le mener où je veux. Les rues sont à présent tranquilles… la nuit est noire, et je peux passer sans être vu si je rencontre des tapageurs. Je vais donc chez l’armurier, et, sûr de son amitié, je ne m’inquiète plus du vieux Simon. Saint Ringan me défend cette nuit, et je rognerai plutôt ma langue que de m’exposer encore à un pareil danger ! Ce vieux drôle, quand le sang lui montait à la tête, avait plutôt