Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/222

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d’un serpent. — Écoutez-le, milord, dit Ramorny, à moins qu’une outre de vin ne parlât, rien au monde ne saurait s’exprimer en moins de mots… en as-tu fini avec lui, Bonthron ? »

Le scélérat leva sa hache qu’il portait encore à la main, et la baissa du côté du tranchant.

« Bien, comment as-tu reconnu ton homme ?… La nuit est obscure, à ce qu’on m’a dit. — Par la vue et par l’ouïe ; sa démarche, ses vêtements, sa voix. — C’est assez, sors… Éviot, qu’on lui donne de l’or et du vin, de quoi satisfaire sa soif d’ivrogne… Sors, et toi, Éviot, sors avec lui. — Et qui a été mis à mort ? » dit le prince, délivré des sentiments de dégoût et d’horreur qu’il avait éprouvés en présence de l’assassin : « ceci n’est qu’un jeu sans doute, car autrement ce serait une action atroce. Qui a eu le malheur d’être égorgé par ce scélérat brutal ? — Un homme qui ne valait guère mieux que lui, répliqua le malade ; un misérable artisan, à qui pourtant le sort a donné le pouvoir de réduire Ramorny à l’état d’un pauvre estropié… Que la malédiction accompagne son âme infâme !… Sa misérable vie ne saurait pas plus satisfaire ma vengeance qu’une goutte d’eau n’éteindrait une fournaise. Mais il faut que je sois bref, car mes idées commencent encore à se troubler ; la nécessité du moment les tient seules assemblées comme une courroie réunit une botte de flèches. Vous êtes en danger, milord… Je vous le dis avec certitude… Vous avez bravé Douglas et offensé votre oncle… Vous avez aussi mécontenté votre père ; mais ceci ne serait qu’une bagatelle sans le reste. — Je suis fâché d’avoir mécontenté mon père, » répondit le prince (entièrement distrait d’une chose aussi insignifiante que le meurtre d’un artisan, par des objets plus importants), oui, j’en suis fâché, si en effet je l’ai mécontenté. Mais si je vis, la puissance de Douglas sera renversée, et la politique d’Albany ne le sauvera pas. — Oui… Si… si… milord, continua Ramorny ; avec des ennemis comme les vôtres, vous ne devez pas vous reposer sur des si ou des mais… Il faut vous résoudre à donner la mort ou à la recevoir. — Qu’entendez-vous par là, Ramorny ? La fièvre vous fait extravaguer. — Non, milord, quoique les pensées qui traversent maintenant mon esprit soient propres à donner des mouvements frénétiques. Il se peut que ma blessure me dispose à voir les choses sous un aspect favorable, que mon inquiétude pour le salut de Votre Altesse m’ait suggéré des desseins trop hardis ; mais je possède tout le jugement que le ciel m’a donné quand je vous