Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/230

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chambellan de l’admettre dans notre maison en qualité de garde de nuit. Tu me plais, et c’est quelque chose d’avoir à la maison un domestique sobre, bien qu’il ne le soit que par crainte de la mort. Trouve-toi donc auprès de notre personne, et tu éprouveras que la sobriété n’est pas une vertu inutile. »

Pendant ce temps, un surcroît de crainte et d’inquiétude aggravait les douleurs de l’infortuné sir John Ramorny. Son esprit troublé par l’opium, dont il avait maîtrisé les effets en présence du prince, commença à s’égarer aussitôt que Rothsay eut quitté l’appartement. Ramorny sentait confusément qu’il avait attiré sur lui un grand danger, qu’il avait rendu le prince son ennemi, et qu’il lui avait révélé un secret qui pouvait mettre en péril sa propre vie. Dans cet état de corps et d’esprit, il n’est pas étonnant que le sommeil du chevalier fût troublé par des rêves, ou que son cerveau fatigué fût en proie à cette espèce de fantasmagorie qu’excite l’opium. Il lui sembla que l’ombre de la reine Annabella se tenait à côté de son lit, et lui demandait compte du jeune homme qu’elle lui avait confié, plein de simplicité, de vertu, de candeur et d’innocence.

« Tu en as fait un étourdi, un débauché, un homme vicieux, disait l’ombre pâle de la reine ; et pourtant, John Ramorny, je te remercie d’avoir été ingrat envers moi, infidèle à ta parole, traître à mes plus chères espérances. Ta haine effacera le mal que ton amitié a fait à mon fils. J’espère que, maintenant que tu n’es plus son conseiller, un châtiment rigoureux sur la terre achètera à mon malheureux enfant son pardon en cette vie et son entrée dans un monde meilleur. »

Ramorny tendit ses bras vers sa bienfaitrice, et s’efforça de lui exprimer son repentir et ses regrets ; mais le visage du fantôme devint plus sombre et plus menaçant, jusqu’à ce que, au lieu des traits de la feue reine, il offrit les traits hautains et sombres de Douglas le Noir… puis le visage timide et mélancolique du roi Robert, qui semblait se lamenter sur la ruine prochaine de sa royale maison… puis enfin un groupe de figures fantastiques, les unes hideuses, les autres grotesques. Elles grimaçaient, parlaient, s’agitaient d’une manière surnaturelle et extravagante, pour se moquer des efforts qu’il faisait afin d’obtenir une idée exacte de leurs traits.