Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/235

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tinctivement que cette affaire avait rapport avec le tumulte actuel. Mais la conversation, beaucoup plus intéressante, qu’il avait eue ensuite avec sir John Ramorny, avait été d’une nature si attachante pour lui, qu’elle avait détruit toutes les traces de ce qu’il avait appris confusément de l’action sanguinaire de l’assassin ; il ne lui restait que la réminiscence vague qu’un homme, dont il ne savait pas le nom, avait été massacré. C’était surtout pour son père qu’il avait pris les armes avec les gens de sa maison, qui, maintenant revêtus d’armures brillantes, une lance à la main, faisaient une toute autre figure que la nuit précédente, où on aurait pu les prendre pour des adorateurs de Bacchus célébrant leurs orgies. Le bon vieux roi reçut cette marque d’attachement filial avec des larmes de reconnaissance ; il présenta avec orgueil son fils à son frère Albany qui arriva un moment après, et les prit tous deux par la main.

« Nous sommes trois Stuarts, dit-il, inséparables comme le saint Trèfle, et de même que ceux qui portent cette herbe sainte sont, à ce qu’on assure, à l’abri des charmes et des enchantements, ainsi, tant que nous serons fidèles les uns aux autres, nous pourrons défier la malice de nos ennemis. »

Le fils et le frère du monarque baisèrent chacun la main amicale qui pressait la leur. Le baiser du jeune homme était sincère ; celui du frère était le baiser du traître Judas.

Pendant ce temps-là, la cloche de Saint-Johnston alarmait les habitants de Curfew-Street, comme tous les autres. Dans la maison de Simon Glover, la vieille Dorothée Glover (car elle aussi tirait son nom du commerce de son maître,) fut la première à entendre le bruit. Quoiqu’un peu sourde dans les circonstances ordinaires, son oreille pour les mauvaises nouvelles était aussi fine que l’odorat d’un milan pour démêler l’odeur d’un cadavre. Dorothée, d’ailleurs industrieuse, fidèle et dévouée créature, avait un goût extraordinaire pour ramasser et répandre, après les avoir convenablement augmentées, les nouvelles fâcheuses : ce qui se voit souvent chez les gens de la dernière classe. Peu accoutumés à être écoutés, ils sont jaloux de l’attention qu’un récit tragique assure au narrateur, et jouissent peut-être de l’égalité momentanée que l’infortune donne à ceux qui passent ordinairement pour leurs supérieurs. Dorothée n’eut pas plus tôt fait une petite provision des bruits sinistres qui circulaient dans les rues, qu’elle s’élança dans la chambre à coucher de son maître, qui