Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/236

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avait profité du privilège de son âge et du temps du carnaval pour dormir plus tard qu’à l’ordinaire.

« Le voilà qui dort, l’honnête homme, » dit Dorothée d’une voix moitié criarde, moitié compatissante ; « le voilà qui dort, et son meilleur ami est assassiné ! et il ne s’en doute pas plus que l’enfant nouveau-né qui ne sait pas encore distinguer la vie de la mort. — Comment ! qu’y a-t-il ? » dit le gantier s’élançant hors de son lit, « qu’y a-t-il vieille femme ? Ma fille est-elle malade ? — Vieille femme ! » dit Dorothée qui, tenant le poisson à l’hameçon, aimait à le faire attendre un peu. « Je ne suis pas assez vieille, » continua-t-elle en s’élançant hors de la chambre, « pour voir un homme sortir du lit. »

Et le moment d’après, on l’entendit en bas, chantant mélodieusement dans le parloir pour accompagner les mouvements de son balai.

« Dorothée, vieille folle ! diablesse !… Dites-moi seulement comment se porte ma fille. — Très-bien, mon père, » répondit la Jolie Fille de Perth de sa chambre à coucher, « parfaitement bien. Mais par Notre-Dame ! qu’y a-t-il ? Les cloches sonnent à rebours, l’on entend des cris et du tumulte dans les rues. — Je vais en savoir la cause dans un instant. Ici, Conachar, venez vite attacher mes lacets… Mais j’oubliais… ce polisson des montagnes est bien au delà de Fortingall… Patience, ma fille, je vous apporterai des nouvelles dans un moment. — Vous n’avez pas besoin de vous déranger pour cela, Simon Glover, dit la vieille femme opiniâtre : le bien ou le mal peut être raconté avant que vous soyez arrivé à la porte de la rue. J’ai appris toute l’histoire dehors ; car, pensai-je en moi-même, notre brave homme de maître est si entêté qu’il voudra courir à la bagarre, quelle qu’en sort la cause ; c’est donc à moi de remuer les jambes et d’apprendre le sujet de tout cela, ou bien il ira fourrer son vieux nez là-dedans et il se le fera couper avant de savoir seulement de quoi il s’agit. — Eh ! qu’y a-t-il donc, vieille femme ? » dit Glover impatienté, en continuant à nouer les cent aiguillettes à l’aide desquelles on attachait le haut-de-chausse au pourpoint.

Dorothée le laissa continuer cette tâche jusqu’au moment où elle conjectura qu’elle était presque finie ; alors elle comprit que, si elle tardait à dire le secret elle-même, son maître irait l’apprendre dans la rue. « Eh bien ! s’écria-t-elle, vous ne pourrez pas dire que c’est de ma faute si vous apprenez de mauvaises nou-