Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/281

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« Henbane Dwining, » se disait-il en contemplant d’un œil ravi l’or qu’il avait amassé en secret, et qu’il visitait de temps à autre ; « Henbane n’est pas un avare stupide, qui n’estime ces pièces d’or qu’à cause de l’éclat de leur métal ; c’est le pouvoir qu’elles assurent à leur possesseur qui le porte à les adorer ainsi. Qu’y a-t-il au monde que l’or ne soumette à nos ordres ? Aimez-vous la beauté, et êtes-vous laid, défiguré, infirme et vieux ?… voici un appât qui séduira la plus belle. Êtes-vous faible, exposé à l’oppression d’un puissant voisin ? Voilà qui armera pour vous des défenseurs plus puissants que le petit tyran que vous redoutez. Êtes-vous magnifique dans vos goûts, souhaitez-vous l’appareil de l’opulence ? cette cassette noircie renferme une vaste étendue de vallées et de collines, de belles forêts pleines de gibier, l’allégeance de mille vassaux. Désirez-vous la faveur des cours temporelles ou spirituelles, le sourire des rois, le pardon des papes et des prêtres pour d’anciens crimes, et l’indulgence qui encourage les fous gouvernés par les gens d’église à en commettre de nouveaux ?… tous ces pieux stimulants qui excitent au vice, vous pourrez les acheter avec de l’or. La vengeance elle-même que les dieux, dit-on, se sont réservée sans doute parce qu’ils enviaient à l’humanité un morceau si friand, la vengeance elle-même s’achète. Mais on peut aussi se la procurer par les ressources d’un génie supérieur, et c’est là le plus noble moyen de l’obtenir ; aussi je réserverai mes trésors pour un autre usage, et j’accomplirai ma vengeance gratuitement ; ou plutôt, je réunirai le plaisir d’augmenter mes trésors à la joie triomphante d’abaisser mes ennemis. »

C’est ainsi que pensait Dwining lorsque, revenu de chez sir John Ramorny, il déposait dans ses coffres l’or qu’il avait reçu pour ses différents services. Après avoir contemplé le tout une minute ou deux, il tourna la clef de son coffre et se mit en route pour visiter ses malades, cédant le haut du pavé à tous ceux qu’il rencontrait, ôtant respectueusement son bonnet au plus mince bourgeois qui tenait une petite boutique, et même aux artisans qui soutenaient leur existence précaire par le travail de leurs mains.

« Misérables ! » se disait-il en lui-même pendant qu’il leur adressait ces marques de respect, mécaniques stupides ! si vous saviez ce que cette clef renferme, quel temps serait assez mauvais pour vous empêcher de m’ôter votre bonnet ? Est-il un ruisseau assez fangeux dans votre bourgade enfumée pour vous empêcher de