Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/295

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tôt démentir la calomnie qu’il a osé proférer. — La potence a trop bien fait sa besogne pour laisser Bonthron sensible à la torture, dit le duc d’Albany ; il a été exécuté il y a une heure. — Et pourquoi cette précipitation, milord ? Savez-vous que cela a l’air d’un complot pour souiller mon honneur ? — C’est l’usage ordinaire. Le combattant vaincu dans l’épreuve du combat est à l’instant même transporté de la lice à la potence ; et cependant, beau neveu, continua le duc d’Albany, si vous aviez repoussé l’accusation par un démenti hardi et formel, j’aurais pris sur moi de ne pas faire exécuter sur-le-champ ce misérable afin qu’il pût être interrogé ; mais comme Votre Honneur a gardé le silence, j’ai cru qu’il valait mieux étouffer le scandale dans la gorge de celui qui l’avait répandu. — Par sainte Marie ! milord, ceci est trop insultant ; pensez-vous, mon oncle et parent, que je me sois rendu coupable d’une action si inutile et si indigne que celle dont m’accuse ce scélérat ? — Il ne m’appartient pas d’échanger des questions avec Votre Altesse ; autrement je vous demanderais si vous entendez aussi dénier l’attaque, à peine moins indigne, quoique moins sanglante, de la maison dans Curfew-Street ? Ne vous fâchez pas, mon neveu ; mais votre éloignement de la cour pour quelque temps est absolument nécessaire, ne fût-ce que pendant le séjour du roi dans cette ville, dont les habitants ont déjà tant eu à se plaindre. »

Rothsay écouta cette exhortation en silence ; et regardant le duc d’un air très-significatif, il répondit : « Mon oncle, vous êtes un bon chasseur, vous avez tendu vos toiles très-habilement ; néanmoins vous auriez été désappointé si le gibier ne fût venu se jeter lui-même dans vos filets. Dieu vous bénisse, et puissiez-vous retirer de cette affaire le profit que vos mesures méritent ! Dites à mon père que je me conforme à son arrêt. Milord connétable, je suis prêt à vous accompagner à votre logement ; puisque je dois avoir un gardien, je n’en pouvais souhaiter un plus bienveillant et plus courtois que vous. »

L’entrevue entre l’oncle et le neveu étant ainsi terminée, le prince se retira avec le comte d’Errol. Les citoyens qu’il rencontrait dans les rues, en apercevant le duc de Rothsay, passaient de l’autre côté pour éviter de saluer le prince, qu’ils considéraient maintenant comme un libertin féroce et sans frein.

Le connétable et son hôte entrèrent dans leur habitation, joyeux l’un et l’autre de quitter les rues, et cependant peu