Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/321

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fils dans sa famille ; et, pour ce dessein, il fit venir plusieurs fois dans les montagnes le jeune Conachar. C’était un jeune homme dont la taille, la tournure et la bonne mine devaient facilement gagner le cœur d’un père. Enfin, il devina, je suppose, le secret de sa naissance, ou bien on lui en dit quelque chose ; et le dégoût que le fier montagnard avait toujours montré pour cette profession devint évident ; si bien que je n’osais plus frotter son pourpoint de mon bâton, de peur de recevoir un coup de poignard, comme une réponse en langue gaélique à une observation faite en saxon. Ce fut alors que je désirai en être débarrassé, d’autant plus qu’il montrait beaucoup trop d’égards à Catherine, qui s’était mise dans la tête de laver un nègre et d’enseigner à ce grossier montagnard la morale et la bienveillance. Elle sait ce qu’il en est résulté. — Certes, mon père, dit Catherine, c’était un acte de charité, de vouloir retirer un tison du feu. — Ce n’était certes pas un acte de sagesse de risquer pour cela de brûler vos propres doigts : qu’en dit milord ? — Milord ne voudrait point offenser la Jolie Fille de Perth, dit sir Patrick ; il connaît la pureté et la sincérité de son âme ; et cependant je dois dire que, si ce nourrisson d’une biche avait eu la peau noire et rugueuse, les yeux louches et les cheveux roux, comme quelques montagnards que j’ai connus, il n’est pas certain que la Jolie Fille de Perth eût montré autant de zèle pour sa conversion ; et d’autre part, si Catherine eût été aussi vieille, aussi ridée, aussi courbée que la femme qui m’a ouvert votre porte ce matin, je gagerais mes éperons d’or contre une paire de brogues highlandaises, que ce chevreuil sauvage n’aurait pas écouté la seconde leçon… Tu ris, Simon, et Catherine rougit de colère… N’importe, c’est la marche ordinaire des choses. — C’est du moins la manière dont les hommes du monde jugent leurs semblables, milord, » dit Catherine avec une certaine vivacité. »

« Pardonnez une plaisanterie, belle sainte, dit le chevalier ; et toi, Simon, dis-nous comment a fini l’histoire. Conachar s’enfuit dans les montagnes, je présume. — Il y retourna, reprit le gantier. Depuis deux ou trois ans, il y avait aux environs de Perth un drôle, une espèce de messager, qui allait et venait sous divers prétextes, mais qui, dans le fait, servait d’intermédiaire entre Gilchrist et le jeune Conachar, qu’on appelle maintenant Hector. J’appris de cet homme, en termes généraux, que le bannissement du Dault au Neigh-Dheil, c’est-à-dire du nourrisson de la biche