Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/33

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mirable conduite pour le plus paisible garçon de Perth, qui jamais ne touche une épée que par nécessité d’état ! Eh bien ! tu n’as plus rien à nous dire ? — Pas grand’chose ; car la défaite d’un montagnard ne vaut pas la peine qu’on en parle. — Et pourquoi battre encore celui-là ? Ce paisible artisan ? — Pour rien dont je me souvienne, sinon qu’il se présenta devant moi au sud du pont de Stirling. — Bien, je bois à ta santé ; tu es le bienvenu chez moi après toutes ces promesses. Conachar, remue-toi, fais donner les brocs, mon garçon, et tu auras une coupe de cette brunette, mon enfant. »

Conachar versa la bonne liqueur à son maître et à Catherine, comme il le faisait d’ordinaire ; mais cela fait, il posa le flacon sur la table, et s’assit.

« Comment donc, drôle ! sont-ce là vos manières ? versez à mon hôte, le respectable maître Henri Smith. — Maître Smith peut s’en verser lui-même, s’il a soif, répondit le jeune Celte ; le fils de mon père l’a déjà trop servi pour une fois. — C’est bien haut chanter pour un jeune coq, dit Henri : mais après tout tu n’as point tort, mon garçon ; il mérite de mourir de soif, l’homme qui ne peut boire sans échanson. »

Mais le patron du lieu ne prit pas si patiemment l’obstination du jeune apprenti. « Sur ma parole d’honnête homme et par le meilleur gant que je fis jamais, dit Simon, tu vas remplir la coupe de Henri Smith de cette liqueur, si tu veux que toi et moi nous demeurions encore sous un même toit… »

Conachar se leva d’un air sombre dès qu’il entendit cette menace, s’approchant du forgeron qui avait déjà pris la coupe en main et la tenait à hauteur de sa tête, il feignit de trébucher, et heurta Henri si maladroitement que l’ale mousseuse jaillit sur la figure, le corps et les vêtements de l’étranger. Quoique le forgeron, en dépit de ses inclinations guerrières, eût réellement un bon caractère, une telle provocation lui fit perdre patience. Il saisit le jeune homme à la gorge, qui se trouva la première sous sa main, pendant que Conachar se relevait de son prétendu faux pas, et la serrant d’une rude façon pour lancer ensuite le montagnard loin de lui, il s’écria : « Partout ailleurs, jeune oiseau de potence, je t’aurais arraché les oreilles de la tête, comme j’ai fait à quelques-uns de tes clans avant toi. »

Conachar se releva avec l’activité d’un tigre, et s’écriant : « Tu ne vivras point pour répéter cette vanterie, » il tira de son sein