Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/344

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les mauvaises manières qu’il a prises chez vous autres Saxons des basses terres[1]. »

Le gantier ne jugea point nécessaire de répondre à cette remarque, et se mit à considérer les arbres verts, et particulièrement les peaux et les autres ornements qui décoraient l’intérieur de la salle. La partie la plus remarquable de ces ornements était un grand nombre de cottes de mailles, avec des bonnets d’acier, des haches de bataille, des épées à deux mains, suspendus au haut des murailles avec des boucliers richement relevés en bosse. Chaque cotte de mailles était attachée sur une peau de daim bien préparée, qui servait en même temps à faire ressortir l’armure avec avantage, et à la préserver de l’humidité.

« Ce sont, » lui dit tout bas Booshalloch, « les armes des champions du clan de Quhele. Ils sont vingt-neuf, comme vous voyez ; Éachin fait le trentième ; il porte son armure aujourd’hui, autrement elle serait là avec les autres. Après tout il n’a point un haubert aussi bon qu’il aurait dû en avoir un le dimanche des Rameaux. Ces neuf armures de si grande taille sont pour les Lecihtachs, sur qui on fonde tant d’espérance. — Et ces bonnes peaux de daim, » dit Simon, chez qui la vue de ces objets avait réveillé l’esprit de sa profession, « pensez-vous que le chef serait disposé à les vendre ? On en demande beaucoup pour les justaucorps que les chevaliers portent sous leur armure. — Ne vous ai-je pas prié, reprit Niel Booshalloch, de ne pas dire un mot sur ce sujet ? — Je veux parler des cottes de mailles, dit Simon ; pourrais-je vous demander s’il y en a quelqu’une qui ait été faite par notre célèbre armurier de Perth, nommé Henri de Wynd ? — Vous tombez encore plus mal, dit Niel ; le nom de cet homme fait sur Eachin l’effet d’un ouragan sur le lac, et personne n’en sait la cause. »

« Je puis la deviner, » pensa le gantier, mais il ne dit point ce qu’il pensait. Étant tombé deux fois sur des sujets de conversation si malencontreux, sans en chercher un troisième, il s’occupa, comme tous ceux qui l’entouraient, de faire honneur au festin.

Ce que nous avons dit des préparatifs peut faire comprendre au lecteur que le repas était assez grossier quant à la qualité des mets ; il consistait principalement en énormes morceaux de viande qu’on mangeait avec très-peu de scrupule, et sans avoir égard

  1. Fassenachs, dit le texte, pour indiquer les gens des basses terres. a. m.