Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/357

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Le jeune homme tomba dans une espèce de faiblesse produite par l’angoisse qu’il avait éprouvée en faisant ce fatal aveu ; le gantier, saisi de crainte et de compassion, s’efforça de le rappeler à la vie, et y réussit, mais non à lui rendre le calme. Éachin cacha son visage avec ses mains, et ses pleurs coulèrent en abondance et avec amertume. — Pour l’amour de Notre Dame ! calmez-vous, lui dit le vieillard ; je vous connais mieux que vous ne vous connaissez vous-même. Vous n’êtes point lâche, mais vous êtes trop jeune, trop inexpérimenté, et vous avez une imagination trop vive pour avoir le courage ferme d’un homme qui porte de la barbe. Je n’aurais entendu personne dire cela de vous, Conachar, sans lui donner un démenti. Vous n’êtes point lâche ; j’ai vu des éclairs de courage jaillir dans vos yeux à la moindre provocation. — Dites des éclairs d’orgueil et de passion, » répondit l’infortuné jeune homme ; « mais quand les avez-vous vus soutenus par la résolution qui devait les appuyer ? Les éclairs dont vous parlez sont tombés sur mon lâche cœur comme sur un morceau de glace que rien ne pourrait enflammer. Si mon orgueil offensé me pressait de frapper, ma lâcheté me portait à fuir le moment d’après. — Manque d’habitude, dit Simon ; c’est en grimpant par-dessus les murailles que les jeunes gens apprennent à gravir les rochers. Commencez par de petits combats ; exercez-vous tous les jours au maniement des armes de votre pays en luttant avec ceux qui vous entourent. — Et en ai-je le temps ? » s’écria le jeune chef, tressaillant comme si quelque idée horrible s’était présentée à son esprit. Combien de jours y a-t-il encore d’ici au dimanche des Rameaux, et qu’arrivera-t-il alors ? Un champ clos d’où personne ne peut sortir, pas plus que le pauvre ours enchaîné à son poteau ; soixante hommes vivants, les plus braves et les plus résolus (un seul excepté !) qui puissent sortir de nos montagnes, tous altérés du sang de leurs ennemis, tandis qu’un roi et ses nobles, et mille spectateurs assemblés comme à un théâtre, viennent encourager leur furie diabolique. Les coups résonnent, le sang coule ; ils se précipitent les uns sur les autres comme des hommes privés de raison ; ils se déchirent comme des bêtes furieuses : les blessés sont écrasés sous les pieds de leurs compagnons, le sang ruisselle, les bras s’affaiblissent ; mais il ne peut y avoir ni pourparler, ni trêve, ni suspension, tant qu’un de ces malheureux mutilés reste en vie ! Là, il n’y a pas à s’abriter derrière des parapets, à combattre à coups de flèche : il faut com-