Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/367

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CHAPITRE XXX.

LA TRAHISON.


Il nous faut retourner aux personnages de notre histoire, que nous avons laissés à Perth quand nous avons suivi le gantier et sa jolie fille à Kinfauns, et quitté ce château pour accompagner Simon dans son voyage au lac du Tay. Le prince, comme le plus éminent de tous, réclame d’abord notre attention.

Cet impétueux et inconsidéré jeune homme souffrait avec impatience son séjour forcé chez le lord grand connétable, dont la compagnie, satisfaisante sous tous les rapports, lui déplaisait par cela seul qu’il remplissait en quelque sorte les fonctions de son geôlier. Irrité contre son oncle, et mécontent de son père, il désirait assez naturellement la société de Ramorny, sur qui il était habitué depuis long-temps à se reposer du soin de son amusement, et même, quoiqu’il eût regardé cette imputation comme une insulte, du soin de sa conduite. Il lui fit donc dire de venir le trouver, si sa santé le lui permettait, et de venir par eau, à un petit pavillon du jardin du grand connétable, qui, comme celui de sir John, donnait sur le Tay. En renouvelant une liaison si dangereuse, Rothsay se souvint seulement qu’il avait été l’ami généreux de sir John Ramorny ; tandis que sir John, en recevant cette invitation, ne se rappela que les insultes que lui avait fait essuyer son patron : la perte de sa main, la légèreté avec laquelle Rothsay avait traité cette blessure, et la promptitude avec laquelle il l’avait abandonné dans l’affaire du meurtre du bonnetier : il sourit amèrement en lisant le billet du prince.

« Éviot, dit-il, fais préparer une bonne barque avec six hommes sûrs, des hommes sûrs, entends-tu ? ne perds pas un instant, et fais venir Dwining ici sur-le-champ… Le ciel me sourit, mon digne ami, » dit-il au médecin ; « je me creusais le cerveau pour trouver moyen d’approcher de ce frivole enfant, et voilà qu’il m’invite à l’aller voir. — Hem ! je vois la chose très-clairement, dit Dwining ; le ciel sourit à certaines conséquences funestes. Hé ! hé ! hé ! — N’importe, le piège est prêt, il s’y trouve une amorce qui l’attirerait hors d’un sanctuaire, quand une troupe armée l’attendrait à la porte. Cependant à peine si cela est nécessaire. L’ennui qu’il éprouve en face de lui-même aurait suffi