Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/372

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laquelle j’ai été trop long-temps étranger, et à qui j’ai hâte de vouer la plus vive et la plus fidèle affection. »

Le duc de Rothsay et Ramorny rirent aux éclats, et le médecin qui avait écouté la lecture de sa lettre, comme si c’eût été son arrêt de mort, encouragé par leur approbation, leva les yeux, fit entendre à demi-voix son exclamation de joie, hé ! hé ! puis redevint grave et silencieux, comme s’il eût craint d’avoir passé les bornes du respect.

« Admirable ! dit le prince, admirable ! le vieillard entendra cela de la duchesse de Rothsay, comme on l’appelle. Dwining, tu devrais être à secretis de sa sainteté le pape, qui souvent, dit-on, a besoin de secrétaires qui sachent trouver des mots à double entente. Je signerai cette lettre, et j’aurai le mérite de l’avoir composée. — Et maintenant, milord, » dit Ramorny cachetant la lettre et la laissant sur la table, « ne venez-vous point dans la barque ? — Il faut d’abord que mon chambellan vienne avec mes habits et tout ce qui m’est nécessaire. Vous ferez bien aussi d’appeler mon écuyer tranchant. — Milord, le temps presse, et les préparatifs exciteront des soupçons. Vos officiers vous joindront demain ; et, pour ce soir, j’espère que mes humbles services vous suffiront à table et dans votre chambre. — Cette fois, c’est toi qui t’oublies, » dit le prince en touchant le bras blessé de Ramorny avec sa badine ; « songe donc que tu ne peux ni découper un chapon, ni nouer une aiguillette. Tu ferais un bon écuyer tranchant et un excellent officier de bouche. »

Ramorny frémit de rage et de douleur, car sa blessure était encore très-sensible, et un doigt dirigé vers elle le faisait trembler.

« Maintenant Votre Altesse veut-elle venir dans le bateau ? — Non pas sans avoir pris congé du lord connétable. Rothsay ne doit point s’échapper de la maison d’Errol comme un voleur d’une prison. Priez-le de venir. »

Le comte se rendit sur-le-champ au désir du prince.

« Je vous ai donné la peine de venir, milord, » dit Rothsay avec ce ton de courtoisie et de dignité qu’il savait si bien prendre, « pour vous faire mes remercîments de votre hospitalité et de votre compagnie. Je ne puis en jouir plus long-temps ; de pressantes affaires m’appellent à Falkland. — Milord, dit le lord connétable, j’espère que Votre Grâce voudra bien se rappeler qu’elle est sous ma garde. — Comment ! sous votre garde ? Si je suis pri-