Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/384

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qu’elle en put prendre ; « puis-je supplier Votre Altesse de me laisser aller, » car il la tenait encore par le bras.

« Ne faites pas d’efforts, ma jolie captive ; que craignez-vous de moi ? — Je ne fais aucun effort, milord ; puisqu’il vous plaît de me retenir, je ne veux pas, en luttant, vous porter à user de violence, et vous donner occasion de vous repentir quand vous aurez eu le temps de la réflexion. — Quoi, traîtresse ! vous m’avez tenu captif des mois entiers, et vous ne voulez pas que je vous retienne un seul instant ! — Ce serait là de la galanterie, milord, si nous étions dans les rues de Perth, où je pourrais vous écouter ou me retirer, suivant mon bon plaisir ; mais ici c’est de la tyrannie. — Et si je vous laisse partir, où vous enfuirez-vous ? dit Rothsay ; les ponts-levis sont levés, les herses baissées et les hommes de ma suite sont singulièrement sourds aux cris d’une jeune fille. Soyez donc plus traitable, et vous verrez ce que c’est que d’obliger un prince. — Lâchez-moi, milord, et laissez-moi en appeler de vous-même à vous-même… de Rothsay au prince d’Écosse. Je suis la fille d’un humble, mais honnête citoyen ; je suis presque l’épouse d’un brave et honnête homme. Si j’ai donné à Votre Altesse quelque encouragement pour agir de la sorte, je l’ai donné à mon insu. Après cela, je vous supplie de ne point user de votre pouvoir sur moi, et de me laisser partir. Votre Altesse ne peut rien obtenir de moi que par des moyens également indignes d’un chevalier et d’un homme. — Vous êtes hardie, Catherine, dit le prince ; mais, comme chevalier et comme homme, je ne puis me dispenser d’accepter un cartel. Je dois vous apprendre ce qu’on risque à faire de pareils défis. »

En parlant ainsi, il s’efforça de jeter de nouveau ses bras autour d’elle ; mais elle l’évita et elle reprit avec la même fermeté :

« J’ai autant de force, milord, pour me défendre dans une lutte honorable, que vous pouvez en avoir pour m’attaquer par des vues honteuses. Ne nous déshonorons point tous deux en me forçant au combat. Vous pouvez me briser les membres, ou appeler quelqu’un à votre aide pour me terrasser, mais autrement vous ne viendrez pas à bout de vos desseins. — Pour quelle brute me prenez-vous ? dit le prince. Je ne veux employer que la force nécessaire pour donner à une femme une excuse de sa propre faiblesse. »

Et il s’assit un peu ému.

« Alors réservez-la, dit Catherine, pour des femmes qui dési-