Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/390

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asseoir et prendre quelque nourriture. — Délivre-moi de ces fers, dit le prince… tire-moi de ce cachot, et quoique tu ne sois qu’un misérable chien, je ferai de toi l’homme le plus riche de l’Écosse. — Quand vous me donneriez en or le poids de vos fers, j’aimerais mieux voir les chaînes autour de vous que de posséder moi-même le trésor !… Mais regardez… vous aviez coutume d’aimer la bonne chère… voyez ce que j’ai préparé pour vous. » Le scélérat, avec un sourire infernal, ouvrit une pièce de cuir qui recouvrait un paquet placé sous son bras, et, faisant passer et repasser sa lumière sur cet objet, il fit voir au malheureux prince une tête de bœuf récemment séparée du corps, ce qui est regardé en Écosse comme un signe de mort certaine. Il la plaça au pied du lit ou plutôt de la litière sur laquelle le prince était couché. « Ménagez votre pitance, dit-il ; probablement il se passera bien du temps avant que vous fassiez un autre repas. — Dites-moi un mot seulement, misérable ! s’écria le prince ; Ramorny connaît-il cette trahison ? — Comment sans cela eût-on pu vous apporter ici ? Pauvre bécasse, vous voilà pris au piège ! » répondit le meurtrier. En parlant ainsi, il referma la porte, les verrous retentirent, et le malheureux prince resta dans l’obscurité, seul, en proie au désespoir. « mon père !… mon père, vous fûtes prophète !… le bâton sur lequel je m’appuyais est devenu un javelot !… » Nous ne nous étendrons pas sur les heures, sur les jours qu’il passa ensuite en proie aux tourments du corps et aux angoisses de l’esprit.

Mais la volonté du ciel n’était pas qu’un si grand crime fût commis impunément.

Catherine Glover et la chanteuse, quoique négligées par les autres habitants du château, qui semblaient occupés uniquement de recueillir des nouvelles sur la maladie du prince, ne purent cependant obtenir la permission de quitter le château, jusqu’à ce qu’on eût vu comment se terminerait cette maladie alarmante, et si elle était véritablement contagieuse. Condamnées à la société l’une de l’autre, ces deux malheureuses femmes devinrent compagnes, sinon amies, et leur union devint plus intime quand Catherine eut découvert que c’était la même jeune fille au sujet de laquelle Henri Smith avait encouru son déplaisir. Elle écouta alors la complète justification de son amant, et entendit avec bonheur les louanges que Louise prodiguait à son généreux protecteur. D’un autre côté, la chanteuse, qui sentait la supériorité du rang et du caractère de Catherine, revenait avec plaisir sur un sujet