Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/417

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

aurait absolument changé la catastrophe qui termine notre histoire.

Le samedi, dans l’après-dîner, il se fit une autre entrée qui intéressait la ville presque autant que les préparatifs du combat projeté : c’était l’approche du comte de Douglas, qui arriva dans la ville avec une troupe de trente cavaliers seulement, mais qui tous étaient chevaliers et gentilshommes de la première importance. On suivait des yeux le terrible pair, comme on suit le vol d’un aigle à travers les nuages, incapable de prévoir où l’oiseau de Jupiter va diriger sa course. Chacun était silencieux, attentif, et aussi curieux à l’observer que si on pouvait deviner ainsi dans quel lieu l’aigle devait s’abattre. Douglas traversa lentement la ville, sortit par la porte du Nord, puis descendit de cheval au couvent des dominicains, et demanda à voir le duc d’Albany. Le comte fut introduit aussitôt et reçu par le duc d’une manière qui voulait être gracieuse et conciliatoire, mais qui trahissait l’effort et l’inquiétude. Après les premiers compliments d’usage, le comte dit avec beaucoup de gravité : « Je vous apporte de tristes nouvelles ; le royal neveu de Votre Grâce, le duc de Rothsay n’est plus, et je crains fort qu’il n’ait péri victime d’un perfide complot. — D’un complot ! » s’écria le duc confus, « quel complot ?… Qui aurait osé comploter contre l’héritier du trône d’Écosse ? — Ce n’est pas à moi à démontrer sur quoi ces doutes se fondent, dit Douglas… Mais on dit que l’aigle fut tué avec une flèche arrachée à ses propres ailes, et le chêne fendu par un coin fait de son propre bois. — Comte de Douglas, dit le duc d’Albany, je ne suis pas fort pour déchiffrer les énigmes. — Et moi je n’en propose pas à deviner, » répliqua Douglas d’un ton hautain ; « Votre Grâce trouvera des détails dans ces papiers, qui valent la peine qu’on les parcoure. Je vais me promener une demi-heure dans le jardin du cloître, ensuite je vous rejoindrai. — Vous n’allez pas visiter le roi, milord ?… — Non, répondit Douglas ; je pense que Votre Grâce tombera d’accord avec moi que nous devons cacher à notre souverain ce grand malheur de famille jusqu’à ce que l’affaire de demain soit décidée. — J’y consens volontiers ; si le roi apprend cette perte, il ne pourra assister au combat ; et s’il ne s’y montre pas en personne, ces montagnards sont capables de refuser de combattre, et toutes nos peines sont perdues. Mais asseyez-vous, milord, je vous prie, pendant que je lis ces tristes papiers relatifs à ce pauvre Rothsay. »