Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/446

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été fort ébranlé et fort abattu par les terribles scènes dont leurs yeux venaient d’être témoins, et la physionomie de la duchesse Marjory était, comme celle de son père, plus propre à inspirer la crainte que la confiance. Elle les interrogea néanmoins avec bonté, quoiqu’elle parût plongée dans une profonde affliction, et apprit d’elles tout ce qu’elles pouvaient lui dire sur la mort de son coupable et imprudent époux. Elle sembla touchée des efforts que Catherine et la chanteuse avaient faits, à leur péril extrême, pour sauver Rothsay de son horrible sort. Elle les invita à prier avec elle, et à l’heure du dîner, après leur avoir donné sa main à baiser, elle les envoya prendre quelque nourriture, les assurant toutes deux, et en particulier Catherine, de son active protection, qui s’étendrait, dit-elle, aussi sur Glover, et leur servirait à tous de sauvegarde aussi long-temps qu’elle vivrait elle-même.

Les deux jeunes filles se séparèrent donc de la princesse veuve, et prirent leur repas avec ses deux duègnes et ses dames, qui, toutes, au milieu même de leur profonde douleur, conservaient un air imposant dont la noblesse glaça le cœur léger de la Française, et inspira même de la contrainte à Catherine Glover, douée cependant d’un caractère plus sérieux. Les amies, car nous pouvons ainsi les nommer, furent donc ravies d’échapper à la société de ces grandes dames ; celles-ci, toutes nées de parents nobles, et se croyant en mauvaise compagnie avec la fille d’un bourgeois et une chanteuse ambulante, les virent avec plaisir s’aller promener dans les environs du couvent. Un petit jardin, avec ses bosquets et ses arbres fruitiers, s’étendait d’un côté du monastère, de façon à border le précipice dont il était seulement séparé par un parapet construit à l’extrémité même du roc ; ce parapet était même si bas, que l’œil pouvait aisément mesurer la profondeur de l’abîme, et voir l’eau qui, comme un torrent, écumait, tourbillonnait et s’engouffrait sous le récif du fond.

La Jolie Fille de Perth et sa compagne parcoururent lentement un sentier qui conduisait à ce parapet, en contemplant le paysage romantique, et pensant à ce qu’il devait être lorsque le printemps revêtait la terre de verdure. Elles gardèrent quelque temps un profond silence ; enfin le naturel hardi et joyeux de la chanteuse s’éleva au-dessus des tristes circonstances où elles se trouvaient encore.

« Les horreurs de Falkland, belle Catherine, pèsent-elles encore sur vos esprits ? Tâchez donc de les oublier comme moi ; nous ne pouvons courir lestement dans ce sentier de la vie, si