Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/65

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rices emploient avec leurs enfants ; « nous comprenons tout ce que cela veut dire. C’est assez pour une fois ; oui, c’est assez. Tu ne seras ni épouvantée ni pressée. Vous êtes de chers, de vrais, de fidèles Valentins : quant au reste, ce sera comme le ciel et l’occasion le permettront. Allons, de grâce, console-toi ; ne tords pas tes petites mains, ne crains pas de nouvelles persécutions pour le présent ; tu as agi bravement, excellemment. Maintenant, va chercher Dorothée : réveille la vieille dormeuse ; nous avons besoin d’un déjeuner substantiel après une nuit de tumulte et une matinée de joie ; il faut aussi que tes mains se mettent à l’ouvrage et nous préparent de ces gâteaux délicats que personne ne sait faire excepté toi ; et tu as bien droit à ce secret, vu la personne qui te l’a confié. Ah ! repos à l’âme de ta chère mère, » ajouta-t-il avec un soupir ; « combien elle eût été ravie de voir cette heureuse matinée de Saint-Valentin ! »

Catherine saisit l’occasion de s’évader qu’on lui donnait, et s’esquiva de la chambre. Ce fut pour Henri comme si le soleil disparaissait à midi du ciel, et laissait le monde dans une obscurité soudaine. Les hautes espérances dont le dernier événement l’avait rempli commencèrent même à s’ébranler, quand il réfléchit à l’altération des traits, aux larmes qui baignaient les yeux, à la crainte manifeste qui perçait sur le visage de la jeune fille, et enfin à la peine qu’elle avait prise d’expliquer, aussi clairement que le permettait la délicatesse, que les avances qu’elle lui avait faites étaient dues au titre dont les usages du jour l’avaient investi. Simon remarqua l’air abattu de Henri, avec quelque peu de surprise et de mécontentement.

« Au nom du bon saint Jean ! que vous est-il arrivé, pour que vous ayez la mine aussi grave qu’un hibou, quand un garçon, s’il était réellement aussi fou de cette pauvre fille que vous prétendez l’être, devrait paraître joyeux comme une alouette ? — Hélas ! père, » répondit l’amant désespéré, « il y a quelque chose d’écrit sur son front qui dit qu’elle m’aime assez pour être son Valentin, parce que vous le souhaitez ; mais assez pour devenir ma femme, jamais ! — Ah ! que la peste te crève, tête d’oie, homme froid et sans cœur, répondit le père. Je sais lire sur un front de femme aussi bien et mieux que toi, et je ne vois rien de semblable sur le sien. Mais aussi, de par le diable ! compère, tu restes là à t’étaler comme un seigneur dans ton fauteuil, aussi profondément endormi qu’un juge, lorsque, si tu avais été un amant un peu futé,