Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/70

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ni de combats, ni de réunions de clans, ni de rien de semblable ? — On ne m’a point consulté pour m’envoyer ici, » dit le jeune homme avec fierté ; « je ne puis dire quelles furent les conditions. — Mais je puis vous dire, sir Conachar, » reprit le gantier assez vivement, « qu’il n’est pas délicat de vous attacher à un honnête artisan, de lui perdre plus de peaux que n’en vaut la vôtre ; et puis, quand vous êtes devenu sage et prêt à lui être de quelque utilité, de disposer de votre temps selon votre bon plaisir, comme s’il était à vous et non pas à votre maître. — Arrangez-vous avec mon père, répondit Conachar ; il vous payera généreusement le dommage… Un agnel d’or[1] pour chaque peau que j’ai gâtée, et une vache ou un bœuf gras pour chaque jour que J’ai été absent. — Faites marché avec lui, mon ami Glover… Faites marché, » dit l’armurier sèchement ; « vous serez amplement payé du moins, sinon honnêtement. Il me semble que j’aurais envie de savoir combien de bourses ont été vidées pour remplir le sporran[2] de peau de chèvre qui doit être si libéral de son or pour vous : et dans quels pâturages furent élevés les bœufs qu’on doit vous envoyer par les défilés des Grampians ? — Vous me rappelez, l’ami, » dit le jeune montagnard en se tournant avec un air de dédain vers l’armurier, « que j’ai aussi un compte à régler avec vous. — Tiens-toi donc à la longueur de mon bras, » répliqua Henri en étendant son bras charnu… « Je ne me soucie plus d’étroites embrassades… ni de coups d’aiguille comme ceux de la nuit dernière ; je m’inquiète peu de la piqûre d’une guêpe, mais je ne souffrirai pas que l’insecte s’approche de moi quand je puis l’en empêcher. »

Conachar sourit d’un air méprisant. « Je ne te veux aucun mal, dit-il ; le fils de mon père t’a fait beaucoup trop d’honneur en répandant le sang d’un chien tel que toi. Je t’en payerai chaque goutte, afin qu’il sèche et ne me souille pas plus long-temps les doigts. — Paix, singe fanfaron ! s’écria Smith ; le sang d’un vaillant homme ne se paye pas au prix de l’or. La seule expiation possible serait que tu vinsses à un mille dans nos basses terres, avec deux des plus grands fiers-à-bras de ton clan ; et tandis que je

  1. Monnaie d’or française, ainsi appelée parce qu’elle portait l’empreinte d’un agneau. a. m.
  2. La poche des montagnards, généralement faite en peau de chèvre, et portée devant l’habit, s’appelle sporran en langue gaélique. Un sporran-moullach est, dit Walter Scott, une poche poilue, formée ordinairement de même peau, avec le poil en dehors. a. m.