Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/72

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était un faible dominant et caractéristique des artisans du temps.

« Vous êtes dans l’erreur, fils Henri, » répliqua-t-il avec beaucoup de gravité, « les gantiers ont le métier le plus honorable des deux, vu qu’ils pourvoient à l’équipement des mains, au lieu que savetiers et cordonniers ne travaillent que pour les pieds. — Ce sont deux membres du corps également nécessaires, » dit Henri, dont le père avait été cordonnier.

« Nécessaires, soit, mon fils, mais non pas également honorables. Songe que nous employons les mains pour témoigner de notre amitié et de notre bonne foi ; les pieds n’ont pas un pareil privilège. De braves hommes combattent avec leurs mains… des lâches profitent de leurs pieds pour fuir. Le gant a toujours une position élevée, le soulier trempe dans la boue… Un ami salue un ami, la main ouverte ; pour repousser un chien ou un homme aussi méprisable qu’un chien, on avance le pied. Un gant au bout d’une lance est un signe et un gage de bonne foi pour tout le monde, comme un gantelet jeté à terre provoque un combat de chevaliers ; tandis que je ne sache pas qu’un vieux soulier serve jamais d’emblème, sinon que quelques vieilles femmes le jetteront après un homme pour lui rendre la fortune propice, pratique qui me semble mériter peu de confiance. — Oh ! » reprit Henri Gow qu’amusait l’éloquent plaidoyer de son ami pour la dignité de sa profession, « je ne suis pas homme, je vous le promets, à déprécier la confrérie des gantiers. Songez-y, je suis moi-même fabricant de gantelets. Mais la dignité de votre profession ne m’empêche point de m’étonner que le père de ce Conachar ait permis à son fils d’apprendre un métier, quel qu’il fût, d’un artisan des basses terres ; car ces gens-là nous regardent comme de beaucoup au-dessous de leur rang magnifique, et comme une race de vils hommes de peine, indignes d’un autre destin que d’être maltraités et pillés, aussi souvent que ces sans-culottes trouvent une occasion de le faire en sûreté. — Oui, répliqua le gantier, mais il y avait de puissantes raisons pour… pour… » Il retint quelque chose qui semblait sur ses lèvres, et continua : « pour que le père de Conachar se conduisît comme il s’est conduit… Eh bien ! j’ai joué franc jeu avec lui, et je ne doute pas qu’il ne me traite honorablement… Mais le départ subit de Conachar m’embarrasse un peu. Certaines choses lui étaient confiées. Il faut que je visite la boutique. — Puis-je vous être utile, père, » dit Henri Gow, trompé par son air empressé.