Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/97

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du gibier, sans demander jamais à qui appartient le domaine que nous parcourons. — Je remplirai votre message, monsieur, » répondit Olivier Proudfute assez humblement ; car il commençait à souhaiter vivement de se pouvoir tirer d’une ambassade qu’il avait si témérairement entreprise, et il allait tourner la tête de son cheval, quand l’homme de l’Annandale ajouta :

« Et recevez ceci pour votre salaire, afin de vous souvenir du jour où vous avez rencontré Dick du Diable, et de vous garder une autre fois d’interrompre la chasse d’un homme qui porte l’éperon ailé sur son épaule. »

Tout en parlant ainsi, il appliqua deux ou trois bons coups de cravache sur la tête et sur le corps du malavisé fabricant de bonnets. Quelques-uns atteignirent Jézabel, qui se mit à bondir, étendit son cavalier sur le gazon, et s’en revint au galop vers le groupe de citoyens.

Proudfute, ainsi renversé, se mit à crier au secours d’une voix fort peu virile, et en même temps à implorer merci d’un ton lamentable ; car son antagoniste, descendant de cheval, lui mit un large couteau de chasse sous la gorge, et commença de fouiller les poches du malheureux bourgeois et même son carnier, jurant, avec d’épouvantables serments, qu’il prendrait tout ce qu’il y trouverait pour se dédommager de l’interruption de sa chasse. À cet effet, employant une violence qui augmenta la terreur du pauvre bourgeois, il tira le baudrier de cuir jusqu’à ce qu’il se rompît, au lieu de se donner la peine de le détacher. Mais le contenu du carnier ne parut pas être de son goût ; il le rejeta nonchalamment loin de lui, et laissa Olivier se remettre sur ses jambes, tandis que lui-même remontait à cheval en regardant la troupe des bourgeois qui s’avançait alors.

Quand les bourgeois avaient vu leur ambassadeur démonté, ils avaient d’abord ri ; les vanteries du bonnetier avaient disposé ses amis à se réjouir en apercevant, comme dit Henri Smith, leur Olivier rencontrer un Roland[1]. Mais lorsqu’ils aperçurent l’adversaire du fabricant mettre la main sur lui et l’arranger de la manière que nous avons dit, l’armurier ne put se contenir davantage. « Sauf le respect que je vous dois, maître bailli, je ne puis endurer de voir notre concitoyen battu et dépouillé exposé à

  1. Il y a un proverbe anglais qui dit : trouver un Roland pour un Olivier, ce qui revient au proverbe français : à bon chat bon rat. Roland et Olivier furent deux chevaliers célèbres.