Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 25, 1838.djvu/103

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ceptaient le passage dans la rue en ruines, tandis qu’elle éclairait le chemin. Sir Aymer, donnant son cheval à un homme de sa suite, et ordonnant à Fabian de se tenir prêt à répondre au premier signal, la suivit en marchant aussi vite que la lenteur de sa conductrice le lui permettait.

Tous deux se plongèrent bientôt dans les restes de la vieille église, toute ruinée par les dégâts qu’y avait causés une soldatesque grossière, et tellement remplie de décombres, que le chevalier s’étonnait que la vieille femme pût se frayer un passage. Elle ne cessait pas de parler tandis qu’elle avançait en trébuchant. Parfois elle appelait d’une voix criarde : « Powheid ! Lazare Povheid ! » Puis elle marmottait entre ses dents : « Oui, oui, le vieillard est occupé à remplir quelqu’un de ses devoirs, comme il dit ; je m’étonne qu’il s’en acquitte dans des temps comme ceux-ci. Mais n’importe, je parie qu’ils lui dureront toute sa vie, et toute la mienne : au reste, ces temps, le Seigneur nous protège ! autant que je puis voir, sont encore assez bons pour ceux qui y vivent. — Êtes-vous sûre, bonne femme, répliqua le chevalier, qu’il y ait âme vivante dans ces ruines ? Pour moi, je serais plutôt tenté de croire que vous me conduisez vers un charnier de morts. — Peut-être avez-vous raison, » dit la vieille avec un infernal sourire ; « les voûtes sépulcrales et les charniers conviennent bien aux vieilles gens des deux sexes ; et quand un vieux fossoyeur demeure près des morts, en bien ! comme vous savez, il vit au milieu de ses pratiques… Holà ! hé ! Powheid ! Lazare Powheid ! voici un gentilhomme qui veut vous parler ; et, » ajouta-t-elle avec une sorte d’emphase, « un noble gentilhomme anglais, un des honorables de la garnison ! »

On entendit alors le pas d’un vieillard qui avançait, mais si lentement que la lumière vacillante qu’il tenait à la main brilla sur les murs en ruines quelque temps avant de montrer la personne qui la portait.

L’ombre du vieillard se projeta aussi sur la muraille éclairée avant qu’on pût l’apercevoir lui-même. Ses vêtements étaient fait en désordre, attendu qu’il avait précipitamment quitté son lit ; car depuis que la lumière artificielle leur était défendue par les règlements de la garnison, les habitants de la ville de Douglas passaient à dormir le temps qu’il leur était impossible d’utiliser d’aucune manière. Le fossoyeur était un grand homme sec, amaigri par les ans et par les privations ; son corps était courbé par suite de son occupation habituelle de creuser des fosses, et son œil s’abaissait natu-