Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 25, 1838.djvu/106

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n’avez-vous encore jamais vu ces restes de la mort servant à rendre l’habitation des vivants plus commode qu’elle ne l’aurait été autrement. — Commode ! » répliqua le chevalier de Valence en haussant les épaules ; « je serais fâché, vieillard, de savoir que j’eusse un chien aussi mal logé que vous l’êtes, vous dont pourtant les cheveux gris ont vu de meilleurs jours. — Peut-être oui, répondit le fossoyeur, peut-être non ; mais ce n’était pas, je le suppose, concernant ma propre histoire que Votre Seigneurie paraissait disposée à m’adresser quelques questions : je prendrai donc la liberté de vous demander sur quoi vous venez me consulter. — Je vais vous parler franchement, et vous reconnaîtrez tout de suite qu’il me faut une réponse courte et claire. Je viens de rencontrer dans les rues de ce village un individu que m’a montré un rayon furtif de la lune, et qui a eu l’audace de déployer la bannière et de pousser le cri de guerre des Douglas ; même, si je puis en croire mes yeux qui ne l’ont vu qu’un instant, ce hardi cavalier avait les traits et le teint noir qui distinguent Douglas. On m’a envoyé vers vous comme vers une personne qui est à même de m’expliquer cette circonstance extraordinaire ; car, en ma qualité de chevalier anglais, et comme engagé au service du roi Édouard, je suis particulièrement tenu de l’éclaircir. — Permettez-moi d’établir une distinction. Les Douglas des premières générations sont mes proches voisins, et suivant mes superstitieux concitoyens, ce sont mes amis et mes visiteurs : je puis prendre sur ma conscience d’être responsable de leur conduite, et empêcher qu’aucun des vieux barons qui forment, dit-on, les racines de ce grand arbre généalogique, ne revienne troubler par son cri de guerre les villes ou villages du pays natal : non, aucun d’eux ne brandira au clair de lune l’armure noire qui s’est depuis long-temps rouillée sur leurs tombeaux.


Ces braves chevaliers ne sont plus que poussière ;
La rouille a dévoré leur lance meurtrière ;
Et, sans doute du ciel remplissant les desseins,
Leurs âmes ont gagné la demeure des saints[1].


Promenez vos regards dans cette enceinte, sire chevalier : vous avez au dessus et autour de vous les hommes dont nous parlons. Au dessous de nous, dans un petit caveau qui n’a point été ouvert depuis le temps où ces cheveux raies et grisonnants étaient épais et bruns, repose le premier homme que je puis nommer comme

  1. Voir Ivanhoe, chapitre viii. a. m.