Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 25, 1838.djvu/122

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je le ferai, soyez-en sûre ; mes ressources sont peut-être plus considérables que ma condition actuelle ne semblerait l’indiquer, et, croyez-moi, je les mettrai toutes en usage pour vous secourir. Il me semble entendre encore ce lai que vous nous chantiez, aux autres sœurs et à moi : seule, émue par des sentiments de même nature que les vôtres, j’ai su comprendre que c’était votre propre histoire. — Je suis encore surpris, reprit Augustin, d’avoir osé vous faire entendre un lai qui était réellement le récit de ma honte. — Hélas ! pouvez-vous parler ainsi ? contenait-il un seul mot qui ne ressemblât pas à ces aventures d’amour et de noble courage que les meilleurs ménestrels se plaisent à célébrer, et qui font à la fois sourire et pleurer les plus illustres chevaliers et les plus nobles dames ? Lady Augusta de Berkely, riche héritière aux yeux du monde, possédant une immense fortune en terres et en capitaux, devient pupille du roi par la mort de son père et de sa mère, et se trouve sur le point d’être donnée en mariage à un favori de ce roi d’Angleterre, que, dans les vallées de l’Écosse, nous n’avons pas scrupule d’appeler un tyran. — Je ne dois pas parler ainsi, ma sœur ; et pourtant la vérité est que le cousin de l’obscur Gaveston, à qui le roi voulait donner ma main, n’était ni par sa naissance, ni par son mérite, ni par sa fortune, digne d’une telle alliance. Cependant j’entendis parler de sir John de Walton, et je pris à sa réputation un intérêt d’autant plus vif que, riche, disait-on, sous tous les autres rapports, il était pauvre des biens de ce monde et des faveurs de la fortune. Je le vis, ce sir John de Walton, et une pensée qui s’était déjà offerte à mon imagination, me devint, après cette entrevue, plus familière et plus agréable. Il me sembla que si la fille d’une puissante famille anglaise pouvait donner avec sa main ces richesses que vante le monde, elle devait l’accorder avec justice et honneur pour réparer les fautes de la fortune à l’égard d’un brave chevalier tel que de Walton, et non pour raccommoder les finances d’un mendiant français, dont le seul mérite était sa parenté avec un homme généralement détesté dans toute l’Angleterre, excepté par notre aveugle monarque. — C’était là un beau dessein, ma fille ; quoi de plus digne d’un noble cœur, possédant richesses, rang, naissance et beauté, que de faire jouir de tous ces avantages la vertu pauvre, mais héroïque ? — Telle était mon intention, ma chère sœur ; mais peut-être ne vous ai-je pas suffisamment expliqué la manière dont je réalisai mon projet. D’après le conseil d’un ancien ménestrel de notre maison, le même qui est maintenant pri-