Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 25, 1838.djvu/123

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sonnier à Douglas, je fis préparer un grand banquet la veille de Noël, et j’envoyai des invitations à tous les jeunes chevaliers d’illustre famille qui étaient connus pour passer leur vie à manier les armes et à chercher des aventures. Lorsque les tables furent desservies et que le festin fut terminé, Bertram, comme nous en étions convenus, reçut l’ordre de prendre sa harpe. Il chanta, et fut écouté avec l’attention due à un ménestrel de si haute renommée. Le sujet qu’il choisit était les variations de fortune de ce château de Douglas, ou, comme le poète l’appelait, du Château Dangereux. « Où sont les champions du fameux Édouard Ier, dit le ménestrel, lorsque le royaume d’Angleterre ne peut fournir un homme assez brave, ou assez habile dans l’art de la guerre, pour défendre un misérable castel contre les rebelles Écossais, qui ont juré de le reprendre sur les cadavres de nos soldats avant que l’année soit révolue ? Où sont les nobles dames dont les sourires savaient enflammer le courage des chevaliers de Saint-George ? Hélas ! le génie de l’amour et de la chevalerie est endormi par nous ; nos chevaliers se bornent à de misérables entreprises, et nos plus nobles héritières sont livrées à des étrangers, comme s’il n’y avait dans leur propre pays aucun chevalier digne d’elles ! » Le ménestrel se tut ; et je rougis de le dire moi-même, comme remplie d’enthousiasme par le chant du barde, je me levai et détachant de mon cou la chaîne d’or qui soutenait un crucifix particulièrement consacré, je fis vœu, toujours avec la permission du roi, d’accorder ma main et l’héritage de mes pères au brave chevalier qui, noble de naissance et d’origine, conserverait le château de Douglas au roi d’Angleterre pendant un an et un jour. Je m’assis, ma chère sœur, étourdie par les applaudissements que les convives donnèrent à mon prétendu patriotisme. Néanmoins un moment de silence régna parmi les jeunes chevaliers qu’on pouvait raisonnablement croire prêts à accepter cette offre, même au risque d’être embarrassés d’Augusta Berkely. — Honte à l’homme, dit sœur Ursule, qui aurait pu penser ainsi ! Ne prenez que votre beauté seule en considération : un vrai chevalier aurait dû s’exposer au péril de défendre vingt châteaux de Douglas, plutôt que de manquer cette occasion d’obtenir votre main. — Il est possible que plus d’un ait pensé ainsi, reprit le pèlerin ; mais on supposa que les bonnes grâces du roi seraient à jamais perdues pour ceux qui sembleraient empressés à contrarier sa royale volonté quant à la main de sa pupille. Néanmoins, et à ma grande joie, la seule personne qui profita de l’offre que j’avais