Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 25, 1838.djvu/185

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contenues assez long-temps pour qu’il lui fût possible de remplir jusqu’au bout ses fonctions d’une manière convenable au lieu et à la circonstance.

Le prélat venait enfin d’achever l’office lorsqu’un laïque, s’avançant vers lui d’un air solennel et sombre, demanda au révérend père s’il ne pourrait pas consacrer quelques instants à porter ses consolations spirituelles à un homme qui, non loin de là, gisait mourant des suites d’une blessure.

L’ecclésiastique acquiesça aussitôt à cette demande, au milieu d’un silence morne qui, lorsqu’il examinait les sourcils froncés d’une partie au moins des assistants, lui faisait craindre que cette fatale journée ne finît pas d’une manière paisible. Le père fit signe au messager de lui montrer le chemin, et alla remplir son devoir, accompagné de quelques hommes qui passaient pour être partisans de Douglas.

Il y eut quelque chose de très frappant, sinon de suspect, dans l’entrevue qui suivit. Sous une voûte souterraine était déposé le corps d’un homme grand et vigoureux, dont le sang coulait en abondance par deux ou trois larges blessures, et se répandait sur les bottes de paille qui lui servaient de lit, tandis que ses traits exprimaient un mélange de courage et de férocité, prêt à se changer en une passion plus sauvage.

Sans doute le lecteur aura déjà pensé que le personnage en question n’était autre que Michel Turnbull qui, blessé dans la rencontre du matin, avait été déposé par quelques uns de ses amis sur la paille qu’on lui avait arrangée en forme de lit, pour y vivre ou y mourir, comme il plairait à Dieu. Le prélat, dès son entrée sous la voûte, se hâta d’appeler l’attention du blessé sur l’état de ses affaires spirituelles, et de lui administrer les secours que l’Église accorde aux pécheurs mourants. Les paroles qu’ils échangeaient avaient ce caractère grave et sévère que doit prendre la conversation d’un père spirituel et d’un pénitent, quand tout un monde disparaît aux yeux du pécheur, et qu’un autre monde se développe devant lui dans toutes ses terreurs, montrant aux yeux du coupable le châtiment que méritent les fautes dont il a souillé sa vie mortelle. C’est un des plus solennels entretiens que puissent avoir ensemble deux êtres de la terre, et le caractère intrépide de l’habitant de la forêt de Jedwood aussi bien que l’expression bienveillante et pieuse du vieil ecclésiastique augmentaient beaucoup le caractère touchant de cette scène.