Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 25, 1838.djvu/188

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l’Anglais cette main que je puis encore, ce me semble, rendre passablement redoutable… ou faut-il, pour la première fois de ma vie, que j’entende pousser le cri de guerre sans que mon épée prenne sa part de carnage ? Il me semble qu’il me serait difficile, peut-être tout-à-fait impossible de m’y résoudre ; mais si telle est la volonté du ciel et votre avis, très révérend père, il vaut incontestablement mieux céder à vos conseils, comme à ceux d’un homme qui a l’autorité et la puissance de nous tirer d’embarras dans les occasions critiques, ou, comme l’on dit, dans les cas de conscience. — C’est indubitablement mon devoir, répliqua l’archevêque, comme je vous l’ai déjà dit, de ne pas donner lieu en ce jour à ce qu’il y ait effusion de sang ou infraction de paix ; et je dois vous recommander, comme à mon pénitent, sur le salut de votre âme, de ne pas occasioner ces deux grands malheurs, soit personnellement, soit en excitant les autres à le faire ; car, en suivant une autre route, vous et moi, j’en suis certain, nous agirions d’une manière indigne et coupable. — Je tâcherai de penser ainsi, révérend père, répondit le chasseur : néanmoins j’espère qu’au ciel on se rappellera en ma faveur que je suis le premier homme portant le surnom de Turnbull, et en outre le propre nom du prince des archanges lui-même, qui ait jamais été capable de supporter l’affront de voir un Anglais tirer une épée en sa présence, sans avoir été par là provoqué à dégainer aussi la sienne et à courir sur lui. — Prenez garde, mon fils, répliqua le prélat de Glasgow, et remarquez qu’en ce moment même vous n’êtes pas fidèle aux résolutions que vous venez tout à l’heure de prendre, après de sérieuses et justes considérations. Ne ressemblez-donc pas, ô mon fils ! à la truie qui s’est vautrée dans la boue, et qui, après avoir été lavée, court se souiller de nouveau, et revient plus sale qu’elle n’était auparavant. — Eh bien ! révérend père, repartit le blessé, quoiqu’il semble presque contre nature que des Écossais et des Anglais se rencontrent sans faire un échange de coups, je tâcherai néanmoins très sincèrement de ne fournir aucune occasion de querelle, et, s’il est possible, de ne pas saisir celles qui pourront m’être fournies par d’autres. — En agissant ainsi, répliqua l’évêque, vous réparerez autant qu’il est en vous la violation de la loi divine dont vous vous êtes rendu coupable ; vous préviendrez de nouvelles causes de querelles entre vous et vos frères du Sud, et vous échapperez à cette tentation de répandre le sang, si commune à notre époque et à notre génération. Et ne pensez pas que je vous impose, par ces admo-