Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 25, 1838.djvu/189

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nitions, un devoir trop pénible à remplir comme homme et comme chrétien. Je suis moi-même homme, Écossais, et, comme tel, je me sens offensé de l’injuste conduite des Anglais envers notre patrie et notre souverain ; et pensant comme vous pensez, je sais combien vous devez souffrir quand vous êtes obligé de vous soumettre à des insultes nationales sans vengeance ni représailles. Mais ne nous imaginons pas être les agents de cette légitime vengeance que le ciel a spécialement déclarée être son attribut propre. N’oublions pas, tandis que nous voyons et sentons les injustices dont notre pays est accablé, n’oublions pas que nos propres invasions, nos embuscades, nos surprises ont été aussi fatales aux Anglais que leurs attaques et leurs incursions l’ont été pour nous : en un mot, que les malheurs infligés au nom des croix de Saint-André et de Saint-George ne soient plus considérés comme des motifs de guerre pour les habitants des deux pays limitrophes, au moins pendant les fêtes de la religion ; mais comme elles sont l’une et l’autre des signes de rédemption, que, de même, elles indiquent plutôt l’oubli et la paix de part et d’autre. — Je consens, répondit Turnbull, à m’abstenir de toute offense envers autrui, et je m’efforcerai même de ne point garder rancune de celles qui me sont faites, dans l’espérance d’amener en ce monde un état de choses heureux et tranquille, tel que vos paroles, révérend père, me le font augurer. » Tournant alors son visage vers la muraille, l’habitant des frontières attendit avec fermeté l’arrivée de la mort, et l’évêque la lui laissa contempler.

Les pacifiques dispositions que le prélat avait inspirées à Michel Turnbull s’étaient en quelque sorte répandues parmi les assistants qui avaient écouté avec une crainte religieuse son exhortation spirituelle ; mais le ciel avait décrété que la querelle nationale, dans laquelle tant de sang avait déjà été versé, occasionerait encore dans ce jour un combat à mort.

D’éclatantes fanfares de trompettes, paraissant venir de dessous terre, retentirent alors dans l’église, et éveillèrent l’attention des soldats et des fidèles qui s’y trouvaient réunis. La plupart de ceux qui entendirent ces sons belliqueux portèrent la main à leurs armes, pensant qu’il était inutile d’attendre un second signal. Des voix grossières, de rudes exclamations, le frottement des épées sortant des fourreaux, ou leur cliquetis contre les autres pièces des armures, présagèrent d’une manière terrible l’attaque qui, néanmoins, fut retardée d’un instant par les exhortations de l’archevêque. Un