Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 25, 1838.djvu/207

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le ruisseau de Saint-Ronan. Du côté du sud, où la pente était moins rapide, le terrain, jusqu’au sommet de la colline, avait été soigneusement disposé en terrasses successives, qui étaient, ou plutôt qui avaient été jointes l’une à l’autre par des escaliers en pierres grossièrement taillées. En temps de paix ces terrasses formaient les jardins du château, et en temps de guerre elles ajoutaient à sa sécurité ; car chacune d’elles commandait à l’autre, de manière qu’elles pouvaient être séparément et successivement défendues, toutes étant exposées au feu de la place. Celle-ci se composait d’une tour massive et carrée, d’imposante dimension, environnée, suivant l’usage, de bâtiments plus bas et d’un mur crénelé. Du côté du nord, une grande montagne se joignait par un de ses flancs à l’éminence sur laquelle était situé le château : ce point était défendu par trois grandes tranchées successives. Une autre tranchée non moins profonde, à l’entrée principale du château, du côté de l’est, formait le complément des fortifications et la fin de la rue du village que nous avons décrite.

Dans les anciens jardins du château, et sur tous les côtés, à l’exception de l’ouest qui était bordé d’un précipice, de grands et vieux arbres avaient enfoncé leurs racines dans les entrailles de la terre, et couvraient de leur épais ombrage le rocher et les antiques murailles en débris, augmentant ainsi l’effet majestueux de l’édifice ruiné qui s’élevait du centre.

Assis sur le seuil de cet ancien château, où jadis un orgueilleux portier se redressait fièrement[1], le voyageur pouvait planer du regard sur le village entier : doué d’une imagination un peu vive, il pouvait se figurer sans peine que toutes les maisons avaient été soudainement arrêtées au moment où elles tombaient du haut de la montagne rapide, et fixées par la baguette d’un magicien dans l’arrangement bizarre qu’elles offraient maintenant. C’était comme une pause subite dans la marche cadencée des pierres que la lyre d’Amphion rassemblait jadis pour fonder la ville future de Thèbes. Mais pour un tel observateur, l’idée mélancolique, éveillée par l’apparence désolée du village, détruisait bientôt les songes plus riants de l’imagination. Originairement construites sur l’humble plan usité, il y a environ cent années, dans l’architecture des chaumières écossaises, la plupart de ces maisons avaient été depuis long-temps abandonnées, et leurs toits écroulés, leurs poutres enfumées, et leurs murailles en ruines annonçaient le triomphe de la Désolation

  1. Voyez la ballade du roi Estmere, dans les Reliques de Percy.