Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 25, 1838.djvu/212

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Dods cette justice, bien que son gouvernement fût sévère et presque despotique, on ne pouvait l’accuser de tyrannie, car elle n’exerçait son autorité que pour le bien de ses sujets.

Jamais les caveaux du vieux laird n’avaient contenu, même de son vivant, des vins supérieurs à aucun de ceux que Meg offrait à ses hôtes. La seule difficulté était de déterminer Meg à donner précisément la liqueur que vous désiriez. On peut ajouter que souvent elle devenait rétive quand elle jugeait qu’une compagnie avait assez bu, et en pareil cas elle refusait obstinément de donner un seul flacon de plus. La cuisine était aussi son orgueil et sa gloire : elle veillait elle-même à l’apprêt de chaque plat, et il y en avait quelques uns auxquels elle ne permettait à personne de mettre la main, comme le poulet aux poireaux, et les tranches de veau au jus, qui rivalisaient dans leur genre avec les côtelettes de notre ancienne amie, mistress Hall de Ferrybridge. Le linge de table et de lit se préparait à la maison : il était conséquemment de la meilleure qualité et tenu dans le meilleur ordre : malheur à la chambrière en qui son œil de lynx eût découvert la moindre négligence touchant la propreté ! et même considérant le pays[1] et la profession de Meg, nous ne pouvons expliquer pourquoi elle était si scrupuleuse à cet égard, si ce n’est en supposant qu’elle y trouvait un prétexte aussi naturel que fréquent pour gronder ses servantes, exercice dans lequel elle déployait tant d’éloquence et d’énergie, qu’elle ne pouvait s’en acquitter sans un certain plaisir.

Nous devons également citer la modération de Meg dans ses comptes, ce qui, à la fin du banquet, soulageait souvent le cœur de l’hôte déjà saisi de quelque appréhension. Un schelling[2] pour le déjeuner, trois schellings pour le dîner, y compris une pinte de vieux porto ; dix-huit pences[3] pour un bon souper : tels étaient les prix courants de l’auberge de Saint-Ronan sous cette hôtesse de l’ancien monde, au commencement du dix-neuvième siècle ; encore n’exigeait-elle ces prix qu’avec regret en songeant que ceux de son digne père étaient moins élevés de moitié ; mais le malheur des temps rendait sa position plus difficile et ne lui permettait point d’être aussi généreuse.

Malgré ces rares et précieux avantages, l’auberge de Saint-

  1. Les Écossais ne passent point pour être aussi propres que les Anglais. a. m.
  2. On sait que le schelling vaut 1 fr. 20 cent. a. m.
  3. C’est-à-dire, 1 fr 80 cent. a. m.