Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 25, 1838.djvu/217

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de Wildfire eut la tête brisée par les clefs de la cave, en s’efforçant de s’emparer de ces emblèmes de l’autorité du lieu. Mais ces intrépides dignitaires s’embarrassaient peu des boutades un peu vives et de l’humeur de Meg : ce n’était pour eux que les gentillesse habituelles de la jolie petite Fanny… les dulces Amaryllidis iræ, et Meg, de son côté, quoiqu’elle les traitât souvent d’ivrognes, de vauriens et de vrais galopins de High-Street[1], Meg ne permettait à personne de mal parler d’eux en sa présence. « C’étaient, disait-elle, de bons vivants, et voilà tout ; lorsque le vin entrait chez eux par un côté, la raison s’envolait par un autre… On ne pouvait pas mettre une vieille tête sur de jeunes épaules… on ne pouvait pas empêcher un poulain de caracoler, soit à la montée, soit à la descente… et pourquoi non ? » Telle était toujours sa conclusion.

Il ne faut pas oublier, parmi les chalands assurés de l’auberge de Meg, comme ayant été trouvé « fidèle au milieu des infidèles, » le greffier au nez couperosé du shériff du comté. Lorsque ce magistrat était appelé par les devoirs de sa charge dans cette partie du pays, l’imagination échauffée par le souvenir de l’ale double et de la généreuse liqueur des Antilles, donnait toujours avis que ses causes, ou débats, ou tout autres affaires pendantes se jugeraient tel jour, à telle heure, en la demeure de Marguerite Dods, cabaretière à Saint-Ronan.

Il ne nous reste plus qu’à faire connaître les manières de Meg envers les étrangers qui, ne connaissant rien de plus près ni rien de mieux, ou consultant peut-être plus l’état de leur bourse que leur goût, venaient frapper inopinément à sa porte. La réception qu’elle leur faisait était aussi chanceuse que l’hospitalité qu’accorderait une tribu de sauvages à des marins naufragés sur leur côte. Si les nouveaux hôtes paraissaient avoir choisi de préférence son auberge… ou si leur extérieur lui plaisait (et elle était très capricieuse sur ce point…), surtout s’ils avaient l’air satisfait de ce qu’ils rencontraient et peu disposés à critiquer ou à donner de l’embarras, alors tout se passait très bien. Mais s’ils étaient venus à Saint-Ronan parce que l’hôtel des Eaux était plein… ou si elle n’aimait pas leur tournure… ou, par dessus tout, s’ils critiquaient la manière dont ils étaient servis, personne n’était plus disposé que Meg à leur donner une rebuffade. En fait, elle les considérait comme faisant partie de ce public peu généreux et ingrat pour qui elle tenait sa maison ouverte

  1. Principale rue de la ville vieille d’Édimbourg. a. m.