Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 25, 1838.djvu/241

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M. Winterblossom se faisait aussi remarquer par la possession de quelques gravures curieuses et de plusieurs autres objets d’art, qu’il montrait de temps en temps dans la salle commune pour tromper la longueur d’une matinée pluvieuse. Cette collection avait été faite viis et modis[1], disait l’Homme de Loi, autre membre distingué du comité, en lançant un coup d’œil d’intelligence à son plus proche voisin.

Quant à ce dernier personnage, peu de mots suffiront pour le dépeindre. C’était un vieillard à larges épaules, à voix de stentor, à figure enluminée, nommé Micklewham, écrivain ou procureur de campagne, qui administrait les affaires du laird, au grand profit de l’un ou de l’autre, sinon de tous les deux. Son nez se détachait du haut de sa face large et vulgaire, comme le style d’un vieux cadran solaire, courbé tout d’un côté. Aussi entier et querelleur que si sa profession eût été militaire au lieu d’être civile, il dirigeait arbitrairement la distribution et la conversion en bâtiments du Saint’s-Well-Haugh, objet des lamentations de mistress Dods. Enfin il était au mieux avec le docteur Quackleben, qui le mettait toujours en avant pour faire les testaments de ses malades.

Après l’Homme de Loi vient le capitaine Mungo Mac-Turc, depuis long-temps lieutenant en demi-solde, sorti des montagnes de l’Écosse, préférant au vin le toddy[2] le plus fort, et consommant, arrangé de cette manière, ou froid et au naturel, environ une bouteille de whisky par jour, lorsqu’il pouvait se la procurer. On l’appelait l’Homme de Paix, d’après le principe qui assigne aux constables, à ceux qui courent dans Bow-Street et autres lieux, armés d’un assommoir pour briser la tête des gens, continuellement et officiellement employés dans des scènes de tumulte, le titre d’officier de paix… c’est-à-dire, parce que sa valeur forçait les autres à se conduire avec modération. C’était à lui qu’on s’adressait généralement dans tous ces avortons de querelles qui, dans un lieu de cette espèce, sont si sujets à naître le soir et à être tranquillement arrangés le lendemain au matin. Quelquefois même il entamait de son propre chef certaines hostilités, afin de modérer l’ardeur trop belliqueuse de quelqu’un des habitués. Ces occupations assuraient au capitaine Mac-Turc le respect de tout ce qui fréquentait les Eaux ; car on trouvait justement en lui cette espèce de personnes qui sont prêtes à se battre avec tout le monde, à qui nul ne peut

  1. Par toutes sortes de voies et de moyens. a. m.
  2. Espèce de punch fait avec de l’eau-de-vie de grain. a. m.