Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 25, 1838.djvu/253

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opinion, à elle ; et, sans aucun doute, Sa Seigneurie était le meilleur juge.

De l’autre côté de Tyrrel était assise lady Binks, ci-devant la belle miss Bounyrigg, qui, l’année auparavant, avait excité l’admiration, le sourire et l’étonnement de ceux qui se trouvaient aux eaux, en faisant les pas les plus hardis dans les danses des montagnards, en montant le cheval le plus fougueux, en poussant les plus grands éclats de rire aux plaisanteries les plus saugrenues, et en portant le jupon le plus court de toutes les nymphes des Eaux de Saint-Ronan. Peu de personnes se doutaient que cette humeur légère et extravagante n’était qu’entée sur son caractère réel, dans le dessein de lui procurer un bon mariage. Elle avait jeté les yeux sur sir Bingo, et elle connaissait sa maxime : « Pour le captiver, une jeune fille devait être dressée à tout faire ; » en un mot, il voulait trouver dans sa femme les qualités qui recommandent un bon chasseur. Elle dressa ses batteries en conséquence, et fut malheureuse par son succès. Sa gaité étourdie n’était qu’un rôle prêté à son caractère, qui était passionné, ambitieux et réfléchi. Quant à la délicatesse, elle n’en avait aucune : elle savait que sir Bingo était une brute et un sot dès l’époque où elle cherchait à se l’approprier ; mais elle avait assez méconnu ses propres sentiments pour ne pas prévoir que, du moment où elle ne ferait pour ainsi dire plus qu’un avec lui, elle souffrirait la honte en le voyant tourner en ridicule, ou le dégoût, en se trouvant elle-même en contact avec sa brutalité. Il est vrai qu’en somme c’était un monstre assez inoffensif, et qu’en usant du mors et de la bride, en le flattant et le mettant en gaîté, on aurait pu le faire assez bien aller ; mais les malheureuses difficultés qu’avait éprouvées la déclaration de son mariage secret l’avaient exaspérée contre son mari, et les moyens de conciliation étaient les derniers qu’elle paraissait devoir adopter. Non seulement on avait eu recours en cette occasion à l’assistance de la Thémis écossaise, si favorablement indulgente pour les faiblesses du sexe ; mais Mars lui-même paraissait prêt à paraître sur le tapis, si l’Hymen n’était intervenu. Il y avait de par le monde un certain frère de la dame… officier… et alors en permission, qui descendit d’une voiture de louage à l’hôtel du Renard, à onze heures du soir, un bâton de chêne bien sec à la main, et accompagné d’une personne qui, comme lui, portait une coiffure militaire et un col noir ; on avait vu sortir des armes de la voiture. Le lendemain, de grand matin, il y eut une conférence solennelle, à