Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 25, 1838.djvu/263

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dames et les messieurs s’inclinaient et saluaient à mesure sur leur passage, politesses auxquelles la nouvelle venue ne répondait qu’autant que la civilité la plus ordinaire l’exigeait.

« Et maintenant, qu’est-ce que ce peut être que cette personne pour qui cette grande dame fait tant de bruit ? dit la veuve Blower, et pourquoi vient-elle avec une robe de drap et un chapeau de castor, lorsque nous sommes toutes (un coup d’œil sur la robe) dans nos ajustements de soie et de satin ? — Vous dire qui elle est, ma chère mistress Blower, rien de plus aisé, répondit l’officieux docteur. C’est miss Clara Mowbray, sœur du laird de l’endroit. Vous dire pourquoi elle porte tel habit ou fait toute autre chose, ce serait un peu au dessus de la science d’un médecin. La vérité est que j’ai toujours pensé qu’elle était un peu attaquée… appelez cela maladie de nerfs, hypocondrie, ou tout ce que vous voudrez. — Dieu lui soit en aide, pauvre créature ! » reprit la compatissante veuve. « Au fait, elle en a bien l’air. Mais c’est une honte, docteur, de la laisser aller en liberté… elle pourrait se faire du mal ou en faire aux autres. Voyez, elle s’est emparée du couteau !… oh ! c’est seulement pour se couper une tranche de gâteau. Elle ne veut pas se laisser servir par ce singe poudré de domestique. Il y a là du bon sens tout de même, docteur, car elle peut en couper peu ou beaucoup, comme il lui plaît ; mais je voudrais bien qu’elle ôtât ce grand voile et cette redingote. On devrait lui apprendre à observer les règles, docteur Kickelshin. — Elle ne s’embarrasse d’aucune des règles que nous pouvons faire, mistress Blower. Son frère et lady Pénélope lui passent tout : ils devraient faire attention à sa situation. — Cette pauvre créature ! comment se fait-il qu’elle a été abandonnée à elle-même ? — Sa mère était morte… son père ne songeait qu’à ses plaisirs ; son frère faisait son éducation en Angleterre et ne s’occupait que de lui, quand même il eût été ici. L’éducation qu’elle a acquise n’est due qu’à elle-même… les lectures qu’elle a faites ont été puisées dans une bibliothèque remplie de vieux romans. Les amis ou la société qu’elle a vus lui ont été envoyés par le hasard… ensuite point de médecin de la maison, pas même un chirurgien à dix milles à la ronde ! Après tout cela, vous ne devez pas être étonnée si la tête de la pauvre fille… — Infortunée ! pas de docteur… pas même un chirurgien… Mais peut-être la pauvre créature jouissait-elle physiquement d’une bonne santé ; et alors… — Ah ! ah ! ah ! Et quoi alors, madame ? Elle avait plus besoin de médecin que si elle avait été d’une santé délicate. Un