Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 25, 1838.djvu/280

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qu’un chien témoigne à son maître lorsqu’il le voit préoccupé de quelque embarras, en le regardant de temps en temps entre les deux yeux d’un air de compassion, pour lui assurer qu’il partage sa peine, quoiqu’il n’en comprenne ni la cause ni l’étendue.

Enfin Mowbray, après avoir réussi tant bien que mal à arranger certaines choses à peu près comme il l’entendait, se mit à table le mercredi au soir avec son aide-de-camp M. Micklewham, pestant contre la vieille folle qui l’avait fait tomber dans ce piège, envoyant le reste des préparatifs au diable, et déclarant qu’il ne s’en occuperait plus.

Après être resté quelque temps absorbé dans ses idées, le jeune laird se versa une rasade, avança la bouteille à son vieil homme d’affaires… et dit tout-à-coup : « Croyez-vous à la fortune, Mick ? — À la fortune ? répondit celui-ci. Qu’entendez-vous par cette question ? — Je veux dire que j’y crois moi-même dans les bonnes ou mauvaises veines que l’on a aux jeux de cartes… — La fortune vous eût souri plus efficacement si vous ne les aviez jamais touchées, répondit le confident. — Ce n’est pas la question, dit Mowbray ; ce qui m’étonne, c’est la mauvaise chance qu’ont éprouvée tous les lairds de ma maison. La moitié du pays appartenait autrefois à mes ancêtres, et maintenant nos derniers morceaux de terre semblent près de s’envoler. — Et Shaws-Castle lui-même aurait bien pu s’envoler par la cheminée avec le reste, ajouta Micklewham, si votre grand-père n’avait eu soin d’y pourvoir par une substitution. C’est même contrairement à cet acte que vous avez vendu les terrains sur lesquels est bâti l’hôtel des eaux, et votre sœur, ou son mari, pourrait bien un jour, en raison de cette forfaiture, vous en déposséder légalement. — Ma sœur ne se mariera jamais. — Voilà qui est aisé à dire, répondit l’homme d’affaires ; mais si l’on venait à connaître les droits qu’elle a sur ces biens, il y a bien des hommes qui s’embarrasseraient peu de son cerveau fêlé. — Écoutez, monsieur Micklewham, interrompit le laird ; je vous serais obligé si vous vouliez parler de miss Mowbray avec le respect dû à la fille de son père et à ma sœur. — Je n’ai pas l’intention de vous offenser, Saint-Ronan, reprit l’homme de loi ; mais en affaires il faut parler de manière à se faire comprendre. Vous savez vous-même que miss Clara n’est pas comme tout le monde ; et si vous voulez que je vous dise toute ma pensée, à votre place j’adresserais une demande aux lords pour me faire nommer curator bonis, en raison de son incapacité. — Micklewham, s’écria Mowbray, vous êtes un… Il s’arrêta tout