Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 25, 1838.djvu/311

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d’une fièvre nerveuse, et ensuite que sa convalescence était accompagnée d’une telle faiblesse, aussi bien d’esprit que de corps, à ce qu’il semblait, que son utilité, comme compagnon de voyage, devenait absolument nulle. Peu après, les voyageurs se séparèrent, et Cargill revint seul dans son pays natal, s’abandonnant, chemin faisant, à une mélancolique abstraction d’esprit, par laquelle il se laissait dominer depuis la catastrophe morale qu’il avait éprouvée. Ses méditations ne furent pas même troublées par la moindre inquiétude sur ses moyens de subsistance, quoique la cessation de ses fonctions semblât les rendre fort précaires. Mais lord Bidmore y avait prévu ; quelque excentrique qu’il se montrât dans ce qui se rattachait aux beaux-arts, c’était, sous tous les autres rapports, un homme juste et honorable : il ressentait un sincère orgueil d’avoir tiré les talents de Cargill de l’obscurité, et il lui gardait une reconnaissance convenable pour la manière dont il avait rempli la tâche qui lui avait été confiée dans sa famille.

Sa Seigneurie avait secrètement acheté de la famille Mowbray le droit de nommer un ministre à la cure de Saint-Ronan, occupée par un très vieux desservant qui mourut bientôt après ; de sorte qu’à son arrivée en Angleterre, M. Cargill se trouva nommé à la place vacante. Mais il reçut avec tant d’indifférence la nouvelle de sa nomination, qu’il ne se serait probablement pas donné la peine de faire les démarches préalables et nécessaires pour son ordination, si sa mère, alors veuve et dépourvue de moyens d’existence, n’eût pas eu besoin de lui. Il la visita dans l’humble retraite qu’elle occupait dans un des faubourgs de Marchthorn ; il l’entendit remercier avec effusion le ciel de lui avoir accordé assez de vie pour voir la promotion de son fils à une charge qui était à ses yeux plus honorable et plus désirable qu’un siège épiscopal… Il l’entendit tracer d’avance la vie qu’ils mèneraient ensemble dans l’humble indépendance dont la Providence les gratifiait… et il n’eut point le courage d’anéantir les espérances et la joie de sa mère en s’abandonnant à ses sentiments romanesques. Il passa presque machinalement par les formes d’usage, et fut installé dans la cure de Saint-Ronan.

Quoique doué d’une imagination vive, il n’était pas dans la nature de Josiah Cargill de céder à une inutile mélancolie : il chercha ses consolations, non dans la société, mais dans de solitaires études. Sa retraite était d’autant plus complète que sa mère, dont l’éducation avait été aussi modeste que la fortune, se sentait gênée dans