Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 25, 1838.djvu/313

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foui d’un avare. Ses études avaient encore cet autre inconvénient que, poursuivies pour satisfaire l’amour seul de la science, et n’étant point dirigées vers un objet déterminé, elles portaient sur des points plus curieux qu’utiles, et servaient à l’amusement de l’homme lui-même, sans promettre aucun avantage à la société en général.

Enseveli dans d’abstraites recherches de métaphysique et d’histoire, M. Cargill, ne vivant que pour lui et pour ses livres, contracta plusieurs de ces habitudes ridicules qui exposent l’homme studieux et solitaire aux plaisanteries du monde. La politesse naturelle de son caractère aimable en était altérée. Non seulement il poussait à l’extrême la négligence pour sa toilette et son extérieur, mais encore il devint l’homme le plus distrait et le plus sujet aux absences d’esprit, dans un état où les gens de cette espèce abondent. Personne ne commettait autant de bévues à l’égard des individus auxquels il parlait : c’est ainsi qu’il lui arrivait toujours de demander à une vieille fille des nouvelles de son mari, ou à une femme sans enfants comment allait sa jeune famille ; enfin, à un veuf inconsolable comment se portait son épouse, qu’il avait lui-même enterrée quinze jours auparavant : personne ne fut jamais si familier avec les étrangers qu’il voyait pour la première fois, et ne se rappela plus difficilement le nom de ses amis. Le digne homme confondait perpétuellement les sexes, les âges, les professions, et quand un mendiant aveugle tendait la main en demandant l’aumône, on le voyait souvent, comme pour rendre une politesse, ôter son chapeau et tirer sa révérence.

Parmi ses confrères, M. Cargill était tour à tour un objet de respect par la profondeur de son érudition, ou un sujet de risée par ses bizarreries. Dans cette dernière circonstance il avait coutume de se soustraire par une brusque retraite au ridicule qu’il avait provoqué ; car, malgré la douceur générale de son caractère, ses habitudes solitaires avaient engendré en lui une haine absolue de la contradiction, et la satire d’autrui l’affectait bien plus vivement qu’on n’aurait pu le croire d’après son caractère si simple. Quant à ses paroissiens, il leur arrivait souvent, comme on doit bien le supposer, de rire aux dépens de leur pasteur, et parfois, comme le disait mistress Dods, ils étaient plus surpris qu’édifiés de son savoir ; car lorsqu’il expliquait un passage de la Bible, il ne se rappelait pas toujours qu’il s’adressait à une assemblée fort ignare, et souvent il prononçait une concio ad clerum méprise provenant non de l’orgueil que lui inspirait sa science, ou du désir de