Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 25, 1838.djvu/322

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Dans ces occasions leur entretien n’avait pas cette régularité et cette suite qui se remarquent entre ce qu’on appelle ordinairement des hommes de ce monde : au contraire, l’un pensait souvent à Saladin et à Richard Cœur-de-Lion, quand l’autre parlait de Hyder-Ali et de sir Eyre Coote. Néanmoins l’un parlait et l’autre semblait écouter, et peut-être les légères relations de société, qui n’ont d’autre objet que l’amusement, ne peuvent reposer sur une base plus solide.

Un soir, le docte théologien s’était assis à la table hospitalière de M. Touchwood, ou plutôt à celle de mistress Dods, pour prendre une tasse d’excellent thé, le seul plaisir des sens pour lequel M. Cargill conservât encore un faible, quand une carte fut remise au nabab.

« Monsieur et miss Mowbray recevront compagnie à Shaws-Castle, le vingt de ce mois, à deux heures. Déjeuner ; habits de caractère ; tableaux dramatiques. » — « Recevront compagnie ! ils sont plus que fous, » continua-t-il par forme de commentaire. « Recevront compagnie !… les phrases bien choisies sont toujours recommandables… et ce morceau de carton a pour but de faire savoir qu’on peut aller se joindre à tous les fous de la paroisse si l’en en a la fantaisie… Dans mon temps, on priait un étranger de vous accorder l’honneur ou le plaisir de sa compagnie. Je suppose que nous aurons dans ce pays le cérémonial de la tente d’un Bédouin, où chaque coquin d’hadgi, avec son turban vert, et en guenilles, entre sans en demander la permission, et enfonce sa patte noire dans le plat de riz, sans autre apologie que salam alicum. Habits de caractère ! tableaux dramatiques ! quelle nouvelle folie est-ce là ? mais qu’importe ?… Docteur, docteur… mais il est dans le sixième ciel… Mère Dods ! vous qui savez toutes les nouvelles, s’agit-il de la fête qui a été remise jusqu’à ce que miss Mowbray fût mieux portante ? — C’est cela même, monsieur Touchwood… Ils n’ont pas le moyen de donner deux fêtes, en une saison… Ils ne sont peut-être pas trop sages d’en donner une… mais c’est leur affaire. — Docteur ! docteur !… le diable l’emporte… il charge les Musulmans avec le vaillant roi Richard… Docteur, connaissez-vous les Mowbray ? — Pas particulièrement, » répondit M. Cargill, après un moment de silence. « C’est l’histoire ordinaire d’une grandeur qui brille dans un siècle, et qui s’éteint dans l’autre. Je crois que Camden raconte que Thomas Mowbray, grand-maréchal d’Angleterre, hérita de cette haute charge ainsi que du duché de Norfolk, comme