Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 25, 1838.djvu/326

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nouvelle partie de piquet, où l’enjeu de chaque part fut de mille livres sterling : c’était à peu près toute la fortune de Mowbray.

Il eut bientôt lieu de se repentir de cette imprudence : la chance, après l’avoir favorisé, tourna contre lui, et son adversaire allait gagner la partie quand, omettant de montrer son point, après l’avoir annoncé, il donna le droit à son adversaire, d’après la rigueur des règles, de marquer le sien, ce qui décida la partie en faveur de Mowbray.

Celui-ci venait de ramasser, avec une joie égale aux angoisses qu’il avait éprouvées, l’argent de milord Etherington, quand milord lui avoua sans détour que c’était à dessein qu’il avait négligé de montrer son point. Ayant une demande importante à lui faire, il avait voulu le trouver disposé favorablement.

Là-dessus lord Etherington dit à Mowbray qu’un de ses grands oncles maternels, marchand à Londres, après avoir fait dans le commerce une fortune considérable, avait eu la faiblesse, assez commune aux marchands enrichis, de devenir, ou au moins de se faire passer pour un personnage de noble extraction ; qu’à cet effet, un généalogiste obligeant lui avait fabriqué un parchemin qui le faisait descendre de la noble famille écossaise des Mowbray ; et aussitôt il avait changé son nom plébéien de Scrogie Mowbray en celui de Reginald S. Mowbray. Ce grand-oncle, après avoir déshérité son fils, lequel avait voulu obstinément conserver le véritable nom de sa famille, était mort en instituant pour son légataire universel son petit-neveu, Etherington, mais sous la condition qu’il épouserait, dans un délai déterminé, une demoiselle de bonne renommée, portant le nom de Mowbray.

Milord avait espéré d’abord conserver la fortune de son oncle sans se soumettre à cette condition ; mais les hommes de loi, après beaucoup de délais, et lui avoir extorqué beaucoup d’argent, venaient enfin de lui déclarer qu’il n’avait d’autre moyen, pour conserver la fortune de son grand-oncle, que de se soumettre à la condition imposée par son testament.

Etherington, dans cette situation embarrassante, n’avait point hésité, avec la franchise qui lui était naturelle, à s’adresser à Mowbray pour obtenir la main de sa sœur, en déclarant sans détour les motifs qui la lui faisaient rechercher.

Fort étonné d’une telle proposition, Mowbray crut devoir présenter au jeune lord plusieurs objections tirées en grande partie de la bizarrerie de caractère de miss Clara. Enfin, vaincu par les ins-