Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 25, 1838.djvu/395

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Encouragée par le ton plus calme et presque affectueux que prenait son frère, Clara ne put s’empêcher de dire, quoiqu’à voix très basse : « J’espère qu’il n’en sera point ainsi ; j espère qu’il considérera son rang, son honneur et son repos, avant de me faire partager sa fortune. — Qu’il ait un seul scrupule, s’il l’ose, mais il ne peut hésiter ; il sait que, dès l’instant où il cesserait de consentir à vous prendre pour femme, il signerait sa sentence de mort ou la mienne, et peut-être celle de tous deux. En outre, ses vues sont d’une nature qui ne lui permettra pas d’y renoncer par une scrupuleuse délicatesse. C’est pourquoi, Clara, n’entretenez pas dans votre cœur l’idée de pouvoir échapper à un tel mariage. Il est écrit sur le livre fatal… jurez que vous n’hésiterez pas. — Eh bien, non ! » répondit-elle presque hors d’haleine, et craignant qu’il ne retombât encore dans un des accès de fureur qui l’avaient déjà saisi.

« Ne murmurez pas, n’énoncez pas la moindre objection ; mais soumettez-vous à votre destinée : elle est inévitable. — Je… m’y… soumettrai, » répondit Clara, toujours d’une voix tremblante.

« Et moi, je vous épargnerai, du moins quant à présent, toute question sur la faute que vous avez confessée. Des bruits relatifs à votre conduite sont parvenus à moi lorsque j’étais en Angleterre. Qui aurait pu les croire en vous voyant tous les jours, en connaissant comme moi la vie que vous meniez ? Mais je veux garder le silence sur tout cela pour le moment… peut-être n’y reviendrai-je jamais, c’est-à-dire si vous ne contrariez pas mes volontés, si vous ne cherchez pas à éviter un destin que les circonstances rendent inévitable. Voilà qu’il se fait tard… allez vous mettre au lit, Clara… Songez à ce que je vous ai dit, comme à une chose qu’exige la nécessité, et non pas mon caprice. »

Il lui tendit alors la main, et elle y posa la sienne en tremblant. De cette manière et avec une espèce de solennité lugubre, il accompagna sa sœur à travers une longue galerie où étaient suspendus de vieux portraits de famille, et au bout de laquelle se trouvait la chambre de Clara. La lune qui, en ce moment, perçait une masse épaisse de nuages, éclairait les deux derniers descendants de cette ancienne famille, pendant qu’ils traversaient en silence et se tenant par la main, plutôt comme des ombres que comme des êtres vivants, le long corridor où étaient rangés les portraits de leurs aïeux. Les mêmes pensées agitaient leur esprit, mais ils n’essayèrent ni l’un ni l’autre de dire, tandis qu’ils jetaient à la dérobée un regard sur les peintures pâles et décolorées, combien peu leurs ancêtres pré-