Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 25, 1838.djvu/400

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dait-il ? Grande aurait été votre colère si on vous avait soupçonné de n’être pas assez adroit pour veiller vous-même aux intérêts de votre sœur, ou aux vôtres. D’ailleurs lord Étherington était un pauvre diable qui allait cesser d’être comte et perdre sa fortune ; et comme en épousant votre jolie sœur il entrait en possession du beau domaine de Nettlewood, ma foi ! je ne voyais là qu’un heureux moyen de réparer son désastre. — Très heureux pour lui en effet, et très convenable surtout ; mais, je vous prie, monsieur, que serait devenu l’honneur de ma famille ? — Et que m’importait l’honneur de votre famille, à moi, à moins que je ne doive m’intéresser à elle, parce que j’ai été déshérité à cause d’elle ? Vous me devez néanmoins plus de reconnaissance que vous ne pensez ; car maintenant qu’il m’est démontré que cet Étherington, ou plutôt ce Bulmer, n’est sous tous les rapports qu’un misérable, je ne voudrais pas lui voir épouser une honnête fille, dût-elle y gagner tout le comté d’York, au lieu du domaine de Nettlewood seulement. Je suis donc venu vous avertir »

L’étrangeté des nouvelles que M. Touchwood lui communiquait si brusquement faisait tourner la tête au jeune laird, tout comme il arrive à un homme dont s’empare le vertige lorsqu’il se voit au bord du précipice. Touchwood remarqua sa consternation.

« Prenez un verre de vin, monsieur Mowbray, » dit-il avec complaisance ; « rien ne réussit mieux à éclaircir les idées, et n’ayez pas peur de moi, quoique je tombe aussi brusquement sur vous avec ces surprenantes nouvelles. Vous verrez que je suis un homme franc, simple, ordinaire, qui ai mes défauts et mes ridicules tout comme les autres. J’ai parcouru quatre à cinq milles tout exprès pour arranger vos petites affaires à l’instant où elles vous semblent désespérées. — Je vous remercie de vos bonnes intentions, monsieur ; pourtant je dois avouer que votre intervention m’aurait été plus utile si vous m’aviez franchement avoué, et plus tôt surtout, ce que vous saviez de lord Étherington ; mais, dans l’état actuel des choses, je suis bien avancé ; je lui ai promis ma sœur ; j’ai contracté envers lui des obligations personnelles ; et d’autres motifs encore me font craindre d’être forcé de tenir ma parole envers cet homme. Quels que soient son titre et son nom, il faudra bien que je lui paie les mille et tant de livres que j’ai perdues ! — Qu’à cela ne tienne, je paierai pour vous. Je le peux, car je n’ai pas travaillé pour ne rien recueillir ! Oui, mon dessein en ce moment est de vous rendre, vous, monsieur de Saint-Ronan, aussi libre que l’homme des