Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 25, 1838.djvu/403

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nerait tous les détails que je viens de vous communiquer. Ce que j’avais connu de Tyriel à Smyrne m’avait inspiré beaucoup d’intérêt pour lui, et vous pensez bien que cet intérêt ne fit qu’augmenter quand j’appris les persécutions qu’il avait à souffrir par la perfidie de son frère ; mais, grâce au domestique, j’ai déjoué tous les complots du maître. Par exemple, dès que J’ai su que Bulmer venait ici, j’ai envoyé un avis anonyme à Tyrrel, persuadé qu’il partirait avec la rapidité du diable pour le contrecarrer… Mais vous ne devineriez guère comment je suis parvenu à savoir les conditions du traité que Jekill était chargé par Bulmer de proposer à mon ami Tyrrel… J’ai écouté à la porte, oui, monsieur, écouté. Un gentilhomme tel que vous aimerait mieux sans doute couper le cou d’un homme qu’écouter à une porte, dût-il par là empêcher un meurtre. Bref, instruit de ce qui se machinait, j’ai facilement dégoûté Jekill de sa commission, de sorte que maintenant Bulmer ne peut se fier qu’à Solmes, et que celui-ci me rapporte tout. »

Tandis que Touchwood parlait ainsi, le laird de Saint-Ronan prenait intérieurement sa résolution. Il n’était pas encore aussi inexpérimenté que le voyageur le supposait ; il reconnut sans peine qu’il avait affaire à un vieillard obstiné, capricieux, qui, avec les meilleures intentions du monde, voulait toujours agir à sa guise, et, comme les petits politiques, était disposé à conduire avec intrigue et mystère des choses qu’il aurait mieux valu diriger avec adresse et franchise ; mais il s’aperçut en même temps que Touchwood, comme parent éloigné, riche, sans enfants, et disposé à devenir son ami, était un homme à ménager. Faisant donc taire l’orgueil qui le dominait comme fils unique et seul héritier d’un noble patrimoine, il déclara qu’il s’en rapporterait absolument aux conseils d’un ami si plein d’expérience et de sagacité.

M. Touchwood demanda alors l’hospitalité pour la nuit, recommanda d’allumer un grand feu dans sa chambre, de veiller à ce que les draps du lit fussent bien secs, et pria surtout qu’on ne fît pas le lit sur un niveau trop exact ; mais qu’on ménageât de la tête aux pieds une inclinaison d’environ dix-huit pouces ; puis il se retira, annonçant qu’il avait à se lever de bonne heure pour une affaire de vie et de mort qui regardait aussi M. Mowbray.