Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 25, 1838.djvu/408

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sa sœur, à répandre l’alarme aux environs. Nous l’abandonnerons pour le moment à cet état d’incertitude, afin d’apprendre au lecteur la réalité des malheurs qu’il n’avait que trop bien prévus.


CHAPITRE XXXVIII.

LA CATASTROPHE.


Quel est ce spectre blanc qui erre pendant la tempête ? car jamais on ne vit une fille de ce monde choisir un pareil temps, un pareil lieu pour conter ses chagrins.
Ancienne Comédie.


Chagrin, confusion et terreur, tout s’était réuni pour accabler la malheureuse Clara Mowbray au moment où elle quitta son frère, après la triste et orageuse entrevue que nous avons eue à raconter dans un précédent chapitre. Depuis des années, toute son existence, toutes ses pensées s’étaient renfermées dans la terrible appréhension d’une découverte fatale, et l’heure tant redoutée venait de sonner pour elle. L’extrême violence de son frère, la lutte de ses propres passions, tout se réunit pour exagérer ses terreurs : il ne lui resta plus que cet instinct aveugle qui présente la fuite comme le meilleur expédient dans le péril.

Il nous serait impossible de retracer exactement la course de cette malheureuse jeune femme. Seulement, il est probable qu’elle s’enfuit du château de Shaws en entendant arriver la voiture de M. Touchwood, qu’elle put prendre pour celle du lord Étherington ; et ainsi, pendant que Mowbray se rassurait déjà par la perspective plus heureuse que le récit du voyageur semblait ouvrir, sa sœur luttait contre la pluie et les ténèbres, au milieu des difficultés et des périls que présentait la route de la montagne. Les obstacles étaient si grands qu’ils auraient dû épuiser les forces d’une dame élevée plus délicatement ; mais les promenades solitaires de Clara l’avaient aguerrie contre la fatigue et les excursions nocturnes, et les causes de profonde terreur qui l’obligeaient à fuir la rendaient insensible aux dangers du chemin. Elle avait donc passé par le pavillon, comme le démontrait le gant qu’elle y avait laissé, puis traversé le Pont-Bruyant.

Il est probable que le courage et les forces de Clara commencèrent un peu à faiblir lorsqu’elle se fut avancée jusqu’à une certaine distance sur la route du vieux village, car elle s’était arrêtée à la cabane solitaire, habitée par la vieille pauvresse qui avait quelque