Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 26, 1838.djvu/105

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tance, le pire des défauts qu’une indulgence excessive fasse contracter aux enfants.

Cependant Reuben et Jeanie vivaient dans la société l’un de l’autre, autant par goût que par habitude. Ils gardaient ensemble quelques vaches que leurs parents envoyaient chercher leur vie plutôt que paître sur les prés communaux de Dumbiedikes. C’est là qu’il fallait voir les deux enfants assis sous un buisson de genêt fleuri, leurs petites figures l’une contre l’autre, cachées sous les plis d’un même manteau lorsque le ciel, s’obscurcissant au-dessus de leurs têtes, les contraignait à chercher un abri contre l’orage ou la pluie. Quelquefois ils allaient ensemble à l’école ; et quand il s’agissait de traverser les petits ruisseaux qui se trouvaient sur leur chemin, de repousser un chien ou un autre animal, ou tout autre de ces petits périls qu’on rencontre en voyage, c’était toujours la jeune fille qui encourageait son compagnon, qui lui donnait l’exemple que l’homme se croit d’ordinaire en droit de donner à la femme. Mais quand, assis sur les bancs de l’école, ils se mettaient à apprendre leurs leçons, Reuben surpassait Jeanie en facilité et en intelligence, tout comme Jeanie avait sur Reuben l’avantage de cette insensibilité à la fatigue et au danger, qui résulte d’une constitution robuste. Le jeune garçon pouvait donc rendre alors à sa compagne tous les services, tous les secours qu’il en avait reçus en d’autres occasions. Il était décidément le meilleur élève de la petite école de la paroisse, et il montrait toujours tant de douceur, de bonne humeur, qu’il excitait plutôt l’admiration que la jalousie du peuple enfantin qui habitait la bruyante maison, bien qu’il fût le favori du maître. Plusieurs petites filles surtout (car en Écosse on les élève avec les jeunes garçons) recherchaient son amitié et voulaient plaire à un élève si supérieur à ses camarades. Telles étaient les qualités de Reuben Butler, qu’elles pouvaient exciter à la fois leur sympathie et leur admiration ; sentiments que toutes les femmes, du moins celles qui méritent le mieux ce nom, sont vivement portées à ressentir.

Mais Reuben, naturellement timide et réservé, ne profitait point de ces avantages ; et quand son maître, transporté d’admiration, lui annonçait pour l’avenir des succès brillants, l’éveil donné à son ambition augmentait seulement sa tendresse pour Jeanie Deans. Cependant, à chaque progrès que Reuben faisait dans la science, et il en faisait de bien grands eu égard au peu de moyens qu’il possédait de s’instruire, il devenait moins capable