Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 26, 1838.djvu/118

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geant une figure digne d’Hébé, était l’image de la santé et de la joie. Une robe courte d’étoffe brune faisait valoir une taille qui pouvait par la suite offrir le défaut ordinaire aux formes féminines en Écosse, un peu de lourdeur, mais qui, dans cet âge tendre, était fine, élancée, pleine de grâce et d’harmonie dans toutes ses proportions.

Ces charmes naissants, toute cette fleur de jeunesse, ne purent ébranler l’esprit opiniâtre du laird ou détourner ses regards de celle sur qui il les fixait avec tant de constance. Mais son œil était le seul qui pût voir cette vivante image de la santé et de la beauté sans s’y attacher avec délire. Le voyageur arrêtait son cheval fatigué, au moment d’entrer dans la ville, terme de son voyage, pour contempler cette figure aérienne, qui glissait près de lui, son pot au lait sur la tête, si droit, d’un pas si leste et si dégagé sous ce fardeau, qu’il semblait être pour elle moins une charge qu’un ornement. Les jeunes gens du faubourg voisin, qui se réunissaient le soir pour jouer à la boule et se livrer à d’autres exercices, guettaient les mouvements d’Effie et se disputaient l’avantage d’attirer son attention. Même les rigides presbytériens, de la croyance de son père, qui regardaient au moins comme un piège sinon comme un crime, tout ce qu’ils accordaient aux yeux ou aux sens, se laissaient aller à un moment de ravissement en contemplant cette fille charmante, et bientôt, poussant un soupir, ils se reprochaient leur faiblesse, et s’affligeaient qu’une si belle créature participât au crime héréditaire et à l’imperfection de notre nature. On l’appelait ordinairement le Lis de Saint-Léonard, nom qu’elle méritait aussi bien par la candeur de ses pensées, de ses paroles et de ses actions que par les attraits de sa personne.

Cependant il y avait dans le caractère d’Effie quelque chose qui non seulement faisait naître de singulières inquiétudes dans l’esprit de Douce Davie Deans, dont les principes étaient fort rigides, comme on le pense bien, sur les amusements de la jeunesse, mais qui inspirait même des craintes sérieuses à sa sœur, quoique beaucoup plus indulgente. Les enfants des classes inférieures en Écosse sont ordinairement fort gâtés ; l’aimable auteur de Glenburnie[1] nous a épargné, à moi et à tout futur écrivain, la peine de dire jusqu’à quel point on pousse cette faiblesse. Effie avait eu une double portion de cette tendresse inconsidérée et mal entendue. Davie, malgré toute sa rigidité, ne pouvait condamner en-

  1. Mistress Élisabeth Hamilton.