Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 26, 1838.djvu/119

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tièrement les amusements de l’enfance ; et à ses yeux sa plus jeune fille, l’enfant de sa vieillesse, semblait encore un enfant, plusieurs années après qu’elle eut atteint l’âge d’une femme faite. Il l’appelait « ma petite fille, ma petite Effie, » et il lui était permis d’aller et de venir, sans qu’on lui demandât compte de ses actions, si ce n’est le jour du sabbat et aux heures où la famille disait les prières en commun. Sa sœur avait pour elle tous les soins et toute la tendresse d’une mère, mais elle n’en avait pas l’autorité ; et celle qu’elle exerçait sur ses jeunes ans diminua à mesure qu’Effie, avançant en âge, se crut le droit d’agir en toute liberté. Malgré l’innocence et la douceur de son caractère, le Lis de Saint-Léonard acquit donc un fonds d’opiniâtreté et d’entêtement, et une disposition à l’irritabilité, en partie naturelle sans doute, mais que la liberté illimitée dont elle avait joui dans son enfance avait certainement accrue. Une scène d’intérieur fera mieux connaître son caractère.

Un soir que le vigilant Davie était occupé à donner le fourrage aux patients et utiles animaux dont le produit faisait toute sa fortune, Jeanie, voyant que la nuit approchait, commença à concevoir de l’inquiétude de ce que sa sœur ne revenait pas. Elle craignit qu’elle ne fût point de retour à la maison à l’heure où son père, après le travail du soir, avait coutume de faire la prière en commun, et elle savait combien l’absence d’Effie en un tel moment lui causerait de mécontentement. Ses inquiétudes étaient d’autant plus vives, que déjà plusieurs fois Effie était sortie à la même heure, et son absence, d’abord trop courte pour être remarquée, s’était peu à peu prolongée jusqu’à une demi-heure, une heure même ; ce jour-là elle durait beaucoup plus longtemps. Jeanie se tenant à la porte, la main sur les yeux, pour éviter les rayons du soleil couchant, regardait successivement sur tous les sentiers qui aboutissaient à leur demeure, afin d’y découvrir la forme aérienne de sa sœur. La grande route était séparée du Parc du Roi par un mur et une barrière, Jeanie dirigeait souvent ses regards de ce côté, quand elle y vit tout à coup deux personnes, qui paraissaient jusque-là avoir marché fort près du mur pour éviter d’être aperçues. L’une, qui était un homme, se retourna précipitamment et s’éloigna ; l’autre, qui était une femme, passa la barrière, et s’avança vers la chaumière : c’était Effie. Elle aborda sa sœur avec cet air de légèreté affecté que prennent les femmes de sa condition, et souvent celles d’un rang