Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 26, 1838.djvu/179

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faut que vous vous rappeliez qu’elle vous a dit tout cela, quand bien même elle n’en aurait jamais articulé une syllabe. Il faut vous conformer à ce rapport, dans lequel il n’y a rien que de vrai, excepté qu’il ne vous fut pas fait à vous-même, et le répéter devant ce tribunal de justice, ou quel que soit le nom qu’ils donnent à leur cour sanguinaire, afin de sauver votre sœur d’un assassinat, et de les empêcher eux-mêmes d’être ses meurtriers. N’hésitez pas… Je vous jure, sur la vie et le salut, qu’en répétant ce que je vous ai dit, vous ne vous écarterez point de la pure vérité. — Mais, » répliqua Jeanie, dont le jugement était trop sain pour ne pas distinguer sur-le-champ le sophisme de ce raisonnement, « je me parjurerais précisément sur le point où l’on a besoin de mon témoignage : car c’est surtout le secret que la pauvre Effie a gardé qui la fait paraître coupable, et c’est là-dessus que vous voulez que je déclare une fausseté. — Je vois, dit-il, que mes premiers soupçons étaient justes, et que vous allez laisser périr votre innocente et malheureuse sœur, qui n’eut d’autre tort que de se fier à un misérable comme moi, plutôt que de prononcer un mot pour la sauver. — Je donnerais le plus pur de mon sang pour la préserver d’un tel sort, » dit Jeanie en pleurant amèrement ; « mais je ne puis pas changer le mal en bien : je ne puis faire que le mensonge devienne une vérité. — Fille insensée ! cœur dur, dit l’étranger, avez-vous donc peur de ce qu’on peut vous faire ? Je vous dis que même les suppôts de la loi, qui poursuivent la vie des hommes comme les lévriers chassent le lièvre, se réjouiront de voir une créature si jeune et si belle échapper à la rigueur des lois, qu’ils ne douteront pas de la vérité de votre déposition, et que même, s’ils la soupçonnent, ils vous trouveront digne non seulement de pardon, mais encore d’éloges, pour un exemple d’affection si naturelle. — Ce ne sont pas les hommes que je crains, » dit Jeanie en levant les yeux au ciel, « mais le Dieu que je prendrai à témoin de la vérité de mes paroles, et qui en connaîtrait la fausseté. — Il en connaîtra aussi le motif, » répondit vivement l’étranger ; « il saura que vous agissez ainsi, non par l’appât du gain, mais pour sauver la vie d’un être innocent, et empêcher que la loi ne fasse commettre un crime plus affreux que celui qu’elle cherche à punir. — Dieu, dit Jeanie, nous a donné une loi qui doit nous servir de flambeau pour nous éclairer dans notre route ; si nous nous en écartons, nous nous égarons avec connaissance de cause. Je ne dois pas faire le mal, quand même